L’attentat de Volgograd dans sa perspective géopolitique
L’agitation islamiste dans le Caucase est une vieille affaire. Elle a commencé dès les années 30, organisée par le IIIe Reich et le Parti nazi allemand pour déstabiliser l’URSS. Elle a alors culminé lors de la Seconde Guerre mondiale en 1941-44 qui a même vu de nombreux musulmans «soviétiques» combattre avec les nazis, y compris dans la Waffen SS. Parmi les collaborateurs, les Frères musulmans, organisés en réseaux par les nazis, depuis leur centrale de Munich. En 1945, les réseaux musulmans sont repris en mains par les Américains et engagés dans la guerre froide contre l’URSS. La fin de celle-ci ne marque pas la fin mais un nouveau départ. Car les géopoliticiens américains, dont Brezinski, l’auteur du Grand Echiquier, ont repris le programme géopolitique du théoricien nazi Rosenberg et leur but final est l’éclatement de la Fédération de Russie. Le Caucase russe, ventre mou de la Russie, est l’un des fronts privilégiés de cette guerre sourde. Les deux guerres de Tchétchénie – 1994 et 1999 (gagnée par Moscou) –, l’agitation au Daguestan en sont les manifestations. Derrière les ennemis de la Russie : Etats-Unis, Otan, Saoudiens qui ont pris en mains les djihadistes du Caucase. Vilnius en Lituanie abrite leurs moyens de communication sur le Net. Quant à la Géorgie, ses services secrets offrent réseaux, filières… La guerre d’agression contre la Syrie est en partie une projection du conflit du Caucase russe. Les djihadistes caucasiens y combattent dans une grosse katiba de l’«Emirat islamique du Caucase ». Et les ennemis de Damas entendent bien exporter le conflit en Russie pour punir Moscou. Des sources diplomatiques évoquent même en coulisse des menaces directes du prince saoudien Bandar Sultan, patron des services spéciaux de Riyad et véritable dirigeant des terroristes islamistes et des djihadistes en Syrie, sur les JO de Sotchi.
Les islamistes à l’origine de l’attentat
Une kamikaze originaire du Daguestan, république instable du Caucase russe, a tué lundi six personnes en se faisant exploser dans un autobus rempli d'étudiants à Volgograd, «un attentat qui a ravivé les craintes concernant la sécurité à 100 jours des JO de Sotchi», selon l’AFP. «Six personnes ont été tuées ainsi que la femme kamikaze» dans l'explosion survenue vers 14h locales (10h GMT) à Volgograd (ex-Stalingrad, sud), a indiqué à l'AFP un porte-parole du comité d'enquête russe. «L'enquête a été ouverte pour attentat terroriste, meurtre et trafic d'armes et d'explosifs», a ajouté un responsable du comité d'enquête, Vladimir Markine, dans un communiqué. Selon les informations diffusées par la branche locale du comité d'enquête, la kamikaze «s'est récemment convertie à l'islam». Il s'agit de Naïda Assialova, 30 ans, habitante de Makhatchkala, capitale du Daguestan, république instable du Caucase, proche de la Tchétchénie, a précisé M. Markine. Selon les enquêteurs, elle avait fait ses études à Moscou où elle a fait la connaissance de Dmitri Sokolov, son futur époux, qu'elle a «enrôlé» dans la mouvance islamiste armée. «Sokolov s'est rendu au Daguestan. Aujourd'hui, il est recherché comme membre d'un groupe armé de Makhatchkala», a indiqué la branche locale du comité d'enquête. La Russie a été frappée depuis 1999 par une série d'attentats sanglants, plusieurs d'entre eux étant commis par des femmes kamikazes, arme privilégiée de la rébellion islamiste. Cette rébellion a notamment revendiqué un double attentat suicide en mars 2010 dans le métro de Moscou (40 morts) et un autre à l'aéroport Moscou-Domodedovo en janvier 2011 (36 morts). Après la première guerre de Tchétchénie (1994-1996), la rébellion s'est rapidement islamisée – sous l’impulsion des Américains et des Saoudiens – et a de plus en plus débordé hors des frontières de cette petite république pour se transformer au milieu des années 2000 en un mouvement islamiste armé actif dans tout le Caucase du Nord. Le chef des islamistes du Caucase russe, Dokou Oumarov, ennemi numéro un du Kremlin, avait appelé en juillet dans une vidéo à des attaques contre les JO de Sotchi (sud), qui s'ouvrent le 7 février, pour empêcher «par tous les moyens» la tenue de cet événement. Oumarov a à maintes reprises déclaré qu'il voulait porter le terrorisme partout en Russie. Ils ont menacé Sotchi, mais pas seulement». «Nous vivons avec la menace terroriste et cette attaque nous le rappelle», affirme un expert russe.
Que sait-on de l’attentat de Volgograd ?
Il y avait «beaucoup d'étudiants» à bord du bus au moment de l'explosion, survenue en plein milieu du véhicule, a indiqué sur la radio Echo de Moscou Vladimir, un habitant de Volgograd dont la fille est sortie indemne de l'attentat. «Le bus a été déchiqueté (…) C'était affreux», a-t-il ajouté. La chaîne publique Rossia 24 et RT ont montré des images de la déflagration. On peut voir des morceaux du bus tombant sur la route. Le comité antiterroriste a mis en place une cellule de crise qui «fait en sorte d'éviter de nouvelles explosions». Aucun bus de la ligne concernée ne circulait lundi après-midi à Volgograd, une ville située à 900 kilomètres au sud de Moscou, a indiqué le représentant d'une entreprise de transport, cité par l'agence Ria Novosti. «Nous avons reçu une directive du ministère des Situations d'urgence», a expliqué ce responsable. Trente-deux personnes ont été hospitalisées suite à l'attentat dont «sept dans un état extrêmement grave», a indiqué le comité d'enquête dans un communiqué. Il s’agit sans aucun doute d’un avertissement de Bandar Sultan, dont le récent voyage à Moscou s’est mal déroulé, à Poutine sur la Syrie. Mais connaissant le maître du Kremlin, il s’agit vraiment d’une faute qui ne restera pas sans réponse …
Luc Michel