Le fou et le coq
M. Benkirane, que M. Khaled Jamai – avec en vérité un grand nombre d’entre nous – a qualifié de clown dont la place est dans un cirque, et qui passait pour un simple populiste en mal de notoriété nationale, cache en réalité, sous des dehors patelins, un bizarre tempérament quelque peu caractériel et autoritaire, pas assez loin de celui de l’éphémère président Morsi, à cette différence que le «frérot» égyptien disposait des moyens de sa politique, qu’il a mal gérés, et que le nôtre joue au prétentieux – et quelque peu au malin – avec le très peu qu’il a. Après avoir assez tiré à boulets rouges d’abord sur ses opposants patentés, M. Benkirane a déversé, récemment, son fiel sur deux députés en vue, probablement les plus performants politiquement et les plus dynamiques de sa propre formation, qui de l’avis de certains observateurs ont largement contribué à mobiliser en sa faveur respectivement l’électorat meknassi et oujdi, et à le hisser au poste de secrétaire général du PJD, et partant à la gouvernance. Les arrosés, en l’occurrence le Dr Bouanou et M. Aftati ont commis le crime de ne pas apprécier la façon exclusive et les résultats scabreux dans les tractations menées par leur chef en catimini avec M. Mezouar. Il est vrai que préservant leur libre arbitre au sein du PJD, ils ne cessent de le chatouiller aux moindres errements dans la gestion gouvernementale. Ils ont été tout bonnement traités publiquement on ne peut plus vilainement : le premier s’est vu menacer de perdre la présidence du groupe PJDiste au Parlement, et le second s’est entendu qualifier tout simplement de bon bougre inconsistant qui, à force de s’en prendre aux autres, finirait un jour par s’en prendre à lui-même. En somme, un écervelé capable même de se flinguer. M. Aftati le sait-il ? Ce portrait me fait penser à une autre anecdote, après celle dont j’ai fait le titre de l’article précédent : le directeur d’un asile psychiatrique s’est retrouvé en charge d’un interné pour une raison obscure, qui n’avait, cependant, cessé de manifester, tout au long d’un séjour de quelques semaines dans l’établissement, un comportement tout à fait lucide. Il se dit qu’il a dû y avoir une erreur sur la personne ou sur le diagnostic, et décide de l’élargir. Juste avant d’atteindre le portail de l’asile, le patient apercevant un coq se met à crier : «Il va me manger ! Il va me manger ! » Le médecin le réintègre et se met à mieux l’observer. Le patient recouvre sa sérénité. Le médecin l’élargit de nouveau, et devant la même réaction de l’interné à la vue du volatile, lui dit : «Tu sais bien qu’un coq ne peut pas manger un être humain.» Et l’autre lui réplique : «Oui, moi, je le sais ! Mais lui, le sait-il ?» Non satisfait de l’insulte, M. Benkirane en a rajouté quelques retouches, précisant que M. Aftati était, aussi, «un ras khaoui, maf yaddouch». Souvenez-vous bien de qui a été gratifié naguère de la même expression ? Pas moins que M. Mezouar, pardi ! Celui-là même qui, finalement, lui a «frotté le nez contre le sol» trône, maintenant, à ses côtés dans le gouvernement et peut à tout moment – s’il en reçoit l’ordre évidemment – mettre, à son tour, en pièces ( détachées) la nouvelle coalition gouvernementale. Qui a dit qu’il ne poussait pas de dents aux coqs ? M. Benkirane a aussi une courte mémoire. S’est-il jamais demandé, après que l’Istiqlal et l’USFP lui eurent claqué la porte au nez, ce qu’il serait advenu de lui s’il n’avait pas rencontré sur son chemin le commissaire El-Kholti ou si le Dr El-Khatib était toujours de ce monde ? Se souvient-il que d’autres, devenus ses interlocuteurs officiels, avaient été perçus, eux aussi, au début de leur ascension politique comme de simples trublions «maf yad’houmch», à commencer par M. Mezouar du temps de M. Mansouri et celui-ci à l’égard de M. Osman, ainsi que M. Chabat sous la direction de M. Abbas El-Fassi et M. El-Aenser sous la houlette de M. Ahardane. Quelle mouche, donc, a piqué M. Benkirane et l’a fait sortir de ses gonds, au point de «dégueuler» contre un cadre de son parti une telle rancoeur en public, de façon aussi violente et mégalomaniaque ? Qui peut y apporter une réponse ? Sûrement pas moi, je ne suis pas psychiatre.
Colonel Mohamed Mellouki (Maroc)
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