Un jeu de mots dangereux
Par Kamel Moulfi – La profanation, ce dimanche, d’une mosquée à Besançon, imputée à l’islamophobie émergente, n’est pas du tout, évidemment, une plaisanterie. Ce fait très grave, qui n’est pas sans précédent en France mais plutôt à répétition, situe parfaitement, à ceux qui ne veulent pas l’entendre, le vrai danger dans un pays où cohabitent des communautés différentes, aujourd’hui interpellées par des conflits, ethniques ou à caractère confessionnel, qui se déroulent ailleurs. En versant dans la stigmatisation, de quelque façon que ce soit, contre l’une ou l’autre de ces communautés, les dirigeants politiques et les médias français ne font qu’attiser le feu de l’intolérance. C’est un jeu d’autant plus dangereux que ses acteurs semblent le plus souvent inconscients de la portée de leurs paroles et actes. Lundi dernier, le chef de l’Etat français, pourtant socialiste, réputé de gauche, a tenu des propos plus que désobligeants à l’endroit de l’Algérie, pays voisin et partenaire, dont un grand nombre de ressortissants vivent et, dans une bonne proportion, sont parfaitement intégrés en France. Il n’est pas déplacé de penser qu’il a ainsi prêté le flanc à l’extrême droite qui, moins d’une semaine après, et en pleine effervescence entraînée par le dérapage verbal de François Hollande, a frappé fort en ciblant un lieu de culte musulman. Les slogans – «la France aux Français» et «les Arabes dehors», sur fond de croix gammées – écrits sur les murs d’une autre mosquée de Besançon, devraient inciter à plus de vigilance face à ce genre de manifestations qui s’en prennent en ce moment aux musulmans, mais rien n’exclut qu’ils soient tournés demain contre d’autres «étrangers». Attention, les provocations à partir de considérations identitaires risquent, en exacerbant les différences, de réveiller les vieux démons du racisme.
K. M.
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