Peut-on enseigner l’entrepreneuriat dans nos universités ?
L’initiative de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat (Global Entrepreneurship Week) a été lancée en 2008. Depuis, elle est célébrée chaque année durant une semaine dans plus de 150 pays à travers le monde. A l’instar de ces pays, l’Algérie a organisé durant cette semaine diverses manifestations sur l’ensemble du territoire national traitant sur des thématiques intéressantes, destinées en particulier aux étudiants. Ces rencontres constituent donc des espaces de réflexion et d’analyse pour proposer des méthodologies pour aider nos étudiants à trouver leur aventure dans le monde de l’entrepreneuriat et notamment la nécessité d’ancrer une culture entrepreneuriale en milieu universitaire.
Pourquoi faut-il éduquer à l’entrepreneuship dans nos universités ?
Le développement économique et social de notre pays dépend de sa capacité à créer et à développer des produits et services nouveaux. La création d’activité et la création d’entreprise participent ainsi pleinement à ce processus, et il est indéniable que nos diplômés de l’enseignement supérieur y soient associés dans cette nouvelle dynamique de culture entrepreneuriale notamment dans l’accompagnement et le suivi des porteurs de projets.
Comme la plupart des disciplines qui appartiennent aux sciences de gestion et management, aux sciences sociales, etc., l’entrepreneuriat peut faire l’objet d’un enseignement académique en Algérie. De tels enseignements existent de par le monde, l’Algérie avec son potentiel en termes d’infrastructures universitaires peut dispenser cette formation qui fait cruellement défaut et peut répondre ainsi aux objectifs exprimés par les pouvoirs publics.
Ces objectifs concerneront avant tout, d’éveiller et de sensibiliser les étudiants diplômés ou en fin de cursus qui envisagent à très court, moyen ou long terme de créer leur propre entreprise pour les aiguiller et les orienter à l’effet d’avoir une vision claire sur la création d’entreprise, une option de carrière et développer ainsi en eux des attitudes favorables par rapport à des situations entrepreneuriales. A ce niveau, il s’agira de mieux préparer nos étudiants à réfléchir, à analyser et surtout agir dans des situations en tant qu’entrepreneurs.
Au stade des recherches actuelles, nous pouvons dégager trois niveaux d’intervention :
– le premier niveau consiste à dispenser des enseignements de sensibilisation et d’initiation à l’entrepreneuriat,
– le second niveau, concerne l’enseignement de formation à la création d’entreprise et à la gestion du projet,
– le troisième niveau est l’accompagnement des étudiants porteurs de projets de création d’entreprise.
Nous pouvons dire que les niveaux d’intervention suivent une finalité pédagogique et académique. En ce sens, Il s’agira d’aider les étudiants porteurs de projets de création d’entreprise, à concrétiser leurs projets avec les meilleures chances de réussite ou à leur faire prendre conscience, au cours d’un processus formation-action. Toute action visant à introduire un enseignement en entrepreneuriat dans nos universités doit être faite à partir d’une définition claire et précise, suivant des orientations prioritaires et surtout des catégories des populations des étudiants ciblées. L’enseignement de l’entrepreneuriat peut être un instrument pédagogique ; c’est-à-dire un moyen d’apprendre autrement de façon à ce que l’apprenant (étudiant) découvre ce qu’est l’entreprise et son environnement en partant d’un projet de création d’entreprise.
Un instrument promotionnel de la politique d’emploi ; conçu comme un moyen de créer des activités, des entreprises et surtout de l’emploi et de participer au développement économique dans un territoire. Un instrument académique, un moyen de développer un nouveau corpus de connaissance et pourquoi pas à terme une nouvelle discipline Il est impératif de bien mesurer toutes les implications et contraintes organisationnelles relatives à des orientations et décisions portant sur la mise en place et le développement des programmes d’enseignement de l’entrepreneuriat dans nos universités, notamment celles relatives à la prise en charge d’un projet stratégique, à savoir une volonté clairement affichée et affirmée des institutions et pouvoirs publics qui doivent être impliquées dans ce processus.
Peut-on apprendre à entreprendre ?
La création d’entreprise ne s’improvise pas. La combinaison entre la formation et l’entrepreneuriat est récente. L’entrepreneurship est né dans les universités américaines dans les années soixante, considéré comme un nouveau concept pédagogique et qui consiste à promouvoir sous différentes formes, en particulier dans l’enseignement, la démarche à créer sa propre entreprise et surtout créer son propre emploi.
Qu’en est-il chez nous ?
Le système d’enseignement supérieur en Algérie est un système public. L’éducation est accessible à tous. La présence d’un grand nombre de diplômés universitaires chaque année environ 600.000 sur le marché de l’emploi se heurte aux nombreuses difficultés rencontrés par les pouvoirs publics d’absorber cette masse importante de diplômés pour juguler la problématique de l’emploi dans notre pays. Face à ces défis, l’un des objectifs majeurs réside dans la préparation des ressources humaines qualifiées et performantes de demain. Elle consiste également à trouver une meilleure solution pour mieux orienter et surtout adapter l’offre aux besoins du marché. En outre, un autre facteur déterminant qui à notre sens qu’il va falloir prendre en considération durant ce cycle de formation, d’allier la théorie à la pratique pour leur permettre de s’imprégner des réalités entrepreneuriales dans notre pays. Pour rappel, l’Algérie compte un nombre impressionnant d’universités, écoles supérieures, instituts, etc ., l’éducation entrepreneuriale dans nos universités est inexistante. Le problème d’infrastructures ne se pose pas donc chez nous. Les pouvoirs publics doivent d’ores et déjà réfléchir sur l’encadrement de ce nouveau métier promis à un bel avenir dans notre pays. Pour concrétiser cette action, il y a lieu d’associer toutes les parties prenantes en l’occurrence les ministères suivants : Enseignement supérieur, Formation professionnelle, Développement industriel et de la Promotion de l’investissement, et Travail, de l’emploi et de la Sécurité sociale, par le biais de ces nombreux dispositifs en faveur des jeunes. Dans cette optique, il y a lieu de préconiser l’installation urgente d’une commission interministérielle ou à défaut, d’un observatoire national chargé du dispositif de soutien à l’entrepreneuriat au profit de nos étudiants et piloté par le Premier ministre qui accorde un intérêt particulier à la jeunesse algérienne à travers ses différentes rencontres et briefings avec les étudiants lors de ses déplacements dans les wilayas du pays.
Qu’en est-il dans d’autres pays ?
Les objectifs de l’enseignement à l’entrepreneuriat dans certains pays se focalisent principalement entre deux volets et qui sont complémentaires, à savoir : le développement de l’esprit d’entreprendre et au développement socio-économique. Par exemple, les Etats-Unis mettent l’accent sur la stimulation des projets entrepreneuriaux orientés principalement vers la croissance. Dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’objectif de l’enseignement à l’entrepreneuriat est lié au développement à l’esprit d’entreprendre. Certains pays en Europe comme l’Italie, la Pologne, mettent l’accent beaucoup plus sur le développement économique, la création d’entreprise, la création d’emplois.
Quelles sont les préconisations à entreprendre pour enseigner l’entrepreneuriat dans nos universités ?
Il serait dans un premier temps judicieux que les pouvoirs publics affichent une vision claire concernant le rôle de l’entrepreneuriat en Algérie, d’une part, et de mettre en place une plateforme nationale pour l’entrepreneuriat des diplômés universitaires par l’élaboration d’un programme sur l’entrepreneuriat pour toutes les universités, instituts, écoles supérieures, centre de recherche, etc. à l’instar des pays émergents.
Les préconisations que nous proposons tiennent comptent des diverses expériences enregistrées dans ce domaine. Nous citerons à titre d’exemples quelques préconisations pouvant servir de référents comme plateforme pour la formation de l’entrepreneuriat dans nos universités, à savoir :
– Les préconisations relatives aux leviers institutionnels et aux ressources :
Au niveau central :
– Créer une structure de promotion et de développement de l’enseignement de l’entrepreneuriat dans le système éducatif.
– Créer un observatoire national des pratiques pédagogiques en entrepreneuriat
– Créer un comité national de l’enseignement en entrepreneuriat pour donner plus de poids et intérêts eu égard aux enjeux socio-économiques de notre pays, en faisant participer les pouvoirs publics d’un côté et les acteurs du secteur privé, à savoirs : les associations patronales et certaines entreprises qui se sont distinguées de par leur compétitivité sur le marché national. Ce comité servira de passerelle entre le monde de l’enseignement et de la recherche d’une part, et le monde professionnel, d’autre part.
– Créer une association dite « académique » pour l’enseignement et la recherche en entrepreneuriat, cette association peut regrouper à titre d’exemple : enseignants et chercheurs en entrepreneuriat, consultants ayant une compétence avérée dans l’entrepreneuriat.
– Organiser un séminaire d’information et de sensibilisation axé sur la formation à l’entrepreneuriat qui permettrait aux participants (universités, instituts et écoles, etc…et de réfléchir ensemble pour identifier les pistes d’actions possibles et de faciliter les démarches d’implémentation des universités. Identifier et former aux spécificités de l’entrepreneuriat « des enseignants pour développer les matériels pédagogiques et participer au bon fonctionnement des réseaux régionaux. Cette façon de faire, va permettre d’accroître la professionnalisation d’un corps spécifique d’enseignants chercheurs. Il demeure entendu qu’une telle action sous-entend la formation de formateurs qui fera l’objet d’un suivi régulier et planifié par l’autorité de tutelle.
– Organisation par la Tutelle chaque année «d’une compétition nationale» des projets de création d’entreprise par des étudiants (es) des universités, écoles et instituts et récompensé par un prix national.
Au niveau local :
Développer l’esprit d’entreprendre et la culture entrepreneuriale à travers des séminaires au niveau des universités, écoles, centres de recherche, etc.
– Impliquer les étudiants, les chefs d’entreprises et les consultants en la matière en leur proposant des formules d’association (exemple : club, cellule de développement,…) pour faire vivre les enseignements en adéquation avec le tissu économique local.
-Rechercher des partenaires actifs sur des programmes d’enseignement avec d’autres universités étrangères pour partager et échanger les expériences.
– Offrir des bourses aux étudiants pour suivre un programme de formation à l’entrepreneuriat dans les universités étrangères.
– Organiser au moins une fois par «un colloque sur la création d’entreprise », avec la participation de tous les acteurs qui sont en relations directe ou indirecte avec la création et le développement l’entreprise.
Tels sont les éléments de réflexion que nous soumettons aux hautes autorités du pays et à leur tête le Premier ministre pour la concrétisation des objectifs attendus visés plus haut pour être au diapason des pays émergents et aux normes internationales.
Mourad Bergheul, expert consultant formateur
Administrateur principal du réseau «Innov Djazaïr»