La transition ou la révolution pacifique
Le politologue Chafik Mesbah, l’invité du Forum de Liberté ce lundi 14 avril 2014, affirme que l’alternative au cercle présidentiel actuel ne peut se faire que par la transition, il rejoint, ou plutôt il est rejoint, précise-t-il, par la majorité de la classe politique, y compris par certains candidats aux présidentiels si on fait fi à dessein de celle de parti et d’hommes politiques des années 1990 qui prônaient la rupture ou la double rupture, ou ceux des années 1960 qui parlaient de Révolution nationale démocratique. Seulement, M. Mesbah donne une précision de taille : «La transition ne peut réussir que si sa sécurité échoit à l’armée.» Cette première précision va-t-elle faire l’unanimité chez ceux qui préconisent cette même solution ? Nous savons que non. Le diable est dans le détail est l’adage le plus vérifié. Quand quelqu’un vous parle de l’histoire de 60, c’est juste pour éviter de vous parler de 90. Quand la rue, les partis politiques, la presse et les médias aboutiront à une justice envers les victimes du terrorisme islamiste des années 1990, et si vous entendez quelqu’un en parler après, dites-vous bien que c’est pour éviter la période Boutef… Des leaders politiques islamistes et démocrates à l’unisson, jusqu’à des représentants du candidat président et certains candidats à la présidentielle sont pour une transition. M’hamed Yazid parlait de cabinet noir ; aujourd’hui, on parle du cercle présidentiel au moment où l’écrivain parle de loge. La loge, contrairement à ce qu’affirme M. Mesbah, ne dit pas «après moi le déluge» ; elle dit, et on l’entend suffisamment : «Le 4e mandat, c’est pour l’éternité.» C’est une utopie que de croire que la transition est une étape technique. Elle ne peut être que précédée d’un changement des mentalités. Certes, le changement est en cours et il reste insuffisant tant qu’il n’est pas unanime à déclarer l’islamisme et ses leaders hors la loi. Un gage doit être fourni à la société pour lui annoncer que ceux qui demandent la transition n’ont jamais trompé avec les bourreaux du peuple et qu’ils n’opèrent pas, à l’instar du système, et qu’ils s’en démarquent franchement. On veut nous faire croire que la transition est automatiquement un passage en douceur. On l’aurait cru si on n’avait pas les exemples récents de la Tunisie et surtout de la Libye. Comment aller d’un système politique antidémocratique à un système démocratique sans violence ? Dans ce cas, à mon humble avis, seul le militantisme actif, avec le temps et la persévérance des partis politiques et des associations, reste la clef de voute et non pas ces déclarations de leaders politiques sans contenu qui poussent les Algériens à plus de passivité qu’à la mobilisation, quand la presse entame sa descente aux abîmes, en évitant les investigations sur la maffia politico-financières et, pour pallier cette faiblesse, s’adonne à critiquer l’armée et ses services secrets ou, au plus, à ce que lui offrent ces derniers sur les barons du système et qui ne s’avéreront peut-être un jour que des seconds couteaux. La révolution, comme on le constate, n’est pas pour demain, n’en déplaise aux enfants du système.
Saâdeddine Kouidri