Ministres par hasard
Par M. Aït Amara – Les ministres remerciables et les remerciés ministrables ont passé un des pires moments de leur vie hier : palpitations, transpiration, essoufflement, tremblements, étourdissements, nausée, bouffées de chaleur, frissons, baisse de la concentration… C’est que l’enjeu était de taille. Plusieurs médias avaient cru tenir le bon tuyau en annonçant l’imminence de la composition du nouveau gouvernement, qui devait intervenir «dans les prochaines heures» puis «bientôt», au fur et à mesure que le temps passait et que la probabilité qu’une telle annonce fût faite s’éloignait. Jusqu’au journal télévisé de 20h de l’ENTV, hier, tout le personnel politique en poste ou aspirant au poste était scotché au téléphone, à l’affût de la moindre information sur les choix du Président. Mis à part deux ou trois médias qui étaient «sûrs et certains» que la composition de la nouvelle équipe d’Abdelmalek Sellal allait être «connue ce week-end» (pschitt), journalistes et responsables politiques ignoraient tout de ce que les heures qui avaient suivi cette information allaient réserver aux ministres anxieux qui ont passé la dure journée d’hier à se ronger les ongles et les arrivants potentiels – qui devraient enfin pouvoir «se sacrifier» pour la patrie à partir de la résidence d’Etat du Club des Pins – à se frotter les mains. Et n’allez surtout pas croire que tous ces braves qui orbitent autour du Président cherchent leur intérêt personnel. Non ! Ils veulent seulement prendre part à l’effort de développement du pays et marcher sur les traces de leurs prédécesseurs qui, noyés dans le travail pour garantir au peuple bonheur et prospérité, ont fait de l’Algérie la Corée du Sud de l’Afrique du Nord, grâce à leur intelligence rare, à leur abnégation sans limite et à leur désintéressement manifeste. Ces ministres – pas tous peut-être – ont dû passer une nuit blanche, car le cauchemar n’est pas encore fini. L’annonce du nouveau gouvernement est une question de temps et Bouteflika a habitué son contingent à ne connaître ses intentions qu’à la dernière seconde, suivant un rituel immuable : seuls trois ou quatre dignitaires savent quels noms apparaîtront dans ce jeu totalement soumis à la chance. Car si le choix des ministres obéissait à autre chose qu’un hasard raisonné mais déraisonnable, nous aurions un autre gouvernement, une autre Algérie.
M. A.-A.
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