Comment le FFS a piégé Bouteflika en faisant croire qu’il pouvait accepter de rejoindre le gouvernement
Le retard pris dans la composition du gouvernement est, en partie, dû à l’«indécision» du Front des forces socialistes. Jusqu’à la dernière minute, le parti de Hocine Aït Ahmed avait adopté sa traditionnelle position fondée sur le «ni-ni». Après le slogan du début des années 1990, «ni Etat intégriste ni Etat policier», le plus vieux parti de l’opposition a inventé son fameux «ni participation ni boycott» à l’occasion de l’échéance du 17 avril dernier, se maintenant ainsi dans sa tout aussi originale «troisième voie». Mais le FFS avait laissé supposer, sans jamais l’affirmer ouvertement, qu’il pourrait participer au nouvel Exécutif, même s’il ne prenait pas part à l’élection présidentielle et ne soutenait aucun des six candidats à la fonction suprême. Bien que le FFS ait perdu du terrain dans son fief historique, la Kabylie, ce parti ne continue pas moins de jouer un rôle important dans la vie politique nationale, malgré des divisions internes, vu le charisme de son zaïm Hocine Aït Ahmed, un des derniers pères de la Révolution, et sa longue expérience du militantisme. C’est ainsi que le président Bouteflika aurait misé sur le FFS pour pouvoir convaincre les partis de l’opposition de rejoindre le nouveau gouvernement qu’il voulait, au départ, «éminemment politique» et ouvert à toutes les obédiences pour pouvoir garantir un consensus national en prévision de la révision constitutionnelle. Et ce n’est qu’à la dernière minute que le Front des forces socialistes a décliné l’offre de Bouteflika, poussant, dans son sillage, le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune à se retirer à son tour, après que les partis d’opposition foncièrement opposés au quatrième mandat, notamment le RCD et le MSP, ont naturellement rejeté l’offre qui leur avait été faite de prendre part à la nouvelle équipe gouvernementale sous la direction du «revenant» Abdelmalek Sellal. Devant ce fiasco, Bouteflika a dû se résigner à accepter une liste de rechange préparée d’avance – ou, sans doute, à la va-vite, vu le choix controversé de plusieurs nouveaux ministres –, le temps pour lui et pour son proche entourage de relancer les négociations en vue de la composition du «gouvernement de consensus national» qui lui permettrait de combler un tant soit peu son déficit de légitimité et de ne pas endosser seul la responsabilité de la future Constitution. Les déclarations solennelles des deux frères ennemis du FLN, Abdelaziz Belkhadem et Amar Saïdani, sur la nature purement politique du gouvernement qui allait émaner des choix de Bouteflika après sa réélection, confirment qu’eux-mêmes ont été pris de court par le refus du FFS de s’allier avec les tenants du pouvoir. De même, le dernier communiqué mi-figue mi-raisin du RND qui salue la nouvelle composition du gouvernement et qui se dit prêt à collaborer avec l’Exécutif cache mal un malaise qui ne dit pas son nom. En forçant le passage pour un quatrième mandat, malgré l’opposition de la majeure partie de la classe politique et du peuple – en témoignent le taux extrêmement élevé d’abstention et le nombre important de votes en faveur d’Ali Benflis –, Abdelaziz Bouteflika se retrouve isolé et obligé de mener ses réformes tout seul. Des réformes qui, ainsi conduites, sont évidemment vouées à l’échec.
M. Aït Amara