La nouvelle vie des walis
Par R. Mahmoudi – Après les avoir longtemps taxés d’«empereurs», de «Monsieur 10%» et de «shérifs» faisant la pluie et le beau temps dans les wilayas dans lesquelles ils sont affectés, les Algériens sont stupéfaits de découvrir une autre image du wali : celle de la victime, du maillon faible de l’Etat, si vulnérable face aux réseaux mafieux. La mort de l’ex-wali de Annaba dans des circonstances non encore élucidées et la vague de sympathie qu’elle a suscitée dans le pays montrent à quel point les Algériens demeurent sensibles à la hogra même quand celle-ci touche les personnes les plus intouchables d’entre eux. Alors qu’on ne sait pas encore comment les choses se sont réellement passées, puisqu’il n’y a eu aucune enquête, aucune demande d’enquête hormis celle formulée par quelques partis de la CNLTD qui le font plus pour des calculs politiques, et aucun témoignage en dehors des commentaires anonymes sur les réseaux sociaux. Le cas du wali de Annaba et de bien d’autres hauts fonctionnaires, victimes des pressions de leur hiérarchie (on se souvient du sort tragique qu’a connu le Drag de Mascara l’année passée) restent symptomatiques de ce malaise profond qui ronge l’administration algérienne et que le dirigisme hérité de l’ère du parti unique ne peut plus occulter. Les promesses de réforme et de décentralisation administrative tardant à se concrétiser, les collectivités locales ne font, au meilleur des cas, qu’assurer le service minimum dans les régions, faute de budgets ou, comme c’est souvent le cas, de coordination entre les élus et le pouvoir exécutif. Le nombre d’assemblées locales bloquées, à cause notamment de l’illisibilité des lois en vigueur, ne cesse d’augmenter, obligeant souvent les walis à déléguer leurs pouvoirs pour assurer la gestion d’une simple APC. A la longue, c’est cette hypercentralisation, synonyme d’affaiblissement du pouvoir des élus, qui a permis aux réseaux parallèles, aux lobbies spéculatifs et autres sangsues de s’introduire dans les centres de décision et d’imposer facilement leur loi, et qui a finalement conduit à l’implosion à laquelle on assiste aujourd’hui dans notre administration.
R. M.
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