Le somnifère SwissLeaks
Par M. Aït Amara – Les promoteurs visibles (certains médias) et invisibles (les tireurs de ficelles) de l’affaire HSBC détournent l'attention des Algériens – les premiers inconsciemment, les seconds en connaissance de cause – de leurs véritables problèmes : une année blanche qui se profile à l’horizon dans un secteur de l’éducation à la dérive, un brouillard politique total depuis la réélection de Bouteflika en avril dernier, des protestations contre le gaz de schiste qui gagnent en ampleur, une baisse imprévue et angoissante des cours du pétrole, des effets d’annonce dont la date butoir approche dangereusement sans que leurs auteurs ne soient en mesure de tenir leurs promesses, notamment dans le secteur très sensible du logement. Bref, un cocktail explosif qui risque de déflagrer à n'importe quel moment. Ceux qui nous servent du «regarde là-bas !» ont ingénieusement fait coïncider le SwissLeaks dans sa version algérienne avec le très médiatisé procès de Sonatrach pour nous faire oublier Chakib Khelil et Réda Hemch. La confirmation de cette grossière manœuvre vient de ce que les noms des détenteurs de comptes dans la banque britannique sont révélés au compte-gouttes, pour en faire un feuilleton à cent épisodes et tenir ainsi l'opinion publique en haleine le plus longtemps possible. Outre le fait que ces «révélations» finiront dans les fonds de tiroir des journaux et des amateurs de polars, elles ne font qu’enfoncer une porte ouverte. Ce SwissLeaks qu’on veut nous présenter comme une extraordinaire découverte, nous avertit que des Algériens détiennent des comptes dans des banques étrangères. Quelle perspicacité ! Quelle rigueur journalistique ! Qu’avons-nous appris en définitive ? Qu’un fabriquant de gaufrettes à Baba Ali possède une caverne d’Ali Baba à Genève, qu’un ancien chef de la zone autonome d’Alger ne se cache plus depuis que Massu est parti mais qu’il cache des pépètes loin de la Casbah, que Djilali Chaffoteaux et Maury a été mis dans le même bain que les deux premiers. Une prise prolongée de ce genre de somnifères a des effets irréversibles sur la mémoire : l’Alzheimer s’installe peu à peu par intoxication jusqu’à nous faire perdre notre sens de l’orientation. Alors, faisons attention à ne pas nous détourner des graves problèmes d’ici en ne regardant que là-bas !
M. A.-A.
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