Ivres sans alcool
Par M. Aït Amara – Le ministre du Commerce fait l’objet d’une campagne enragée ces derniers jours. La cause ? «Il a autorisé l’importation des boissons alcoolisées.» Nous assistons ainsi à la découverte du siècle : la bibine, le vin rouge bas de gamme à assommer un éléphant et le whisky détourné à Air Algérie… bref, les bacchuseries n’ont jamais existé en Algérie avant Amara Benyounès ! Cet acharnement devrait, en tout cas, désillusionner ceux qui auraient cru à tort que l’extrémisme religieux aurait tourné court en même temps que s’anémiait le terrorisme. De même que tous les wahhabites algériens ne portent pas forcément un qamissaoudien, la psychorigidité qui a gagné bon nombre de nos concitoyens n’est pas nécessairement propre à ceux d’entre eux qui ont choisi de se tourner vers les palais luxuriants des Al-Saoud en lieu et place de la Qibla. De nombreux journaux arabophones ont fait de la chasse à la consommation d’alcool leur priorité, se souciant moins des ravages du casse-gueule que de sa prescription par la religion musulmane. Ils s’autoproclament, ainsi, à la fois muftiset cadis,donnant des leçons, jetant un ministre à la vindicte populaire et, ce faisant, s’attribuent l’impeccabilité de Dieu et de Ses envoyés. Ce sont ces mêmes journalistes-prédicateurs qui braquèrent leurs plumes faussement moralisatrices sur Mohamed Aïssa, le très courageux ministre des Affaires religieuses, lorsque celui-ci déclarait qu’il ne verrait aucune opposition à ce que les synagogues soient rouvertes en Algérie, soulevant ainsi un tollé général chez ceux qui peinent à distinguer entre un juif pacifiste pratiquant la religion de Moïse et un criminel de guerre israélien assassin d’enfants à Gaza. Il est navrant qu’en 2015, nous en soyons encore à la Prohibition quand le temps est à la réflexion profonde sur le devenir du pays qui doit faire face à mille et une menaces, au premier rang desquelles le déclin de l’intelligence voulu par l’Occident pour pérenniser notre sous-développement et rendre éternelle notre dépendance vis-à-vis de sa civilisation. L’alcool est, dès lors, loin d’être la principale source de notre déclin.
M. A.-A.
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