Todeschini : «Apprenons à vivre ensemble notre histoire commune»
Le secrétaire d'Etat auprès du ministre français de la Défense, chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, Jean-Marc Todeschini, ne viendra pas en Algérie pour la repentance ni pour la reconnaissance des crimes commis par le système colonial français. Il sera dès demain dimanche à Alger, puis à Sétif, pour tenter de faire un nouveau pas vers l’avenir. «Ma visite s'inscrit ainsi dans une démarche d'amitié, de respect et dans le souci de continuer à appréhender notre mémoire commune de manière apaisée et lucide, en vue de mieux nous tourner ensemble vers l'avenir», a-t-il déclaré dans un entretien à l’agence officielle APS, assurant que son déplacement entre deux dates symboles (le 19 mars et le 8 mai) intervient dans «un moment d’un rapprochement sans précédent des relations bilatérales, dans tous les domaines». Il considère que son «voyage mémoriel» constitue un «geste très fort» en faveur de l’amitié entre les deux pays. «Pour une autorité ministérielle française, se rendre à Sétif pour déposer une gerbe au mausolée de Saâl Bouzid, première victime algérienne des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, est un geste fort et très concret, à la veille du soixante-dixième anniversaire du 8 mai 1945, dans le prolongement de la visite d’Etat du président de la République en décembre 2012 au cours de laquelle il avait reconnu les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien», argue-t-il, appelant l'Algérie et la France à vivre ensemble leur «histoire partagée». Pour Todeschini, il ne s'agit pas de dépasser les questions mémorielles, mais qu'il s'agit plutôt «de mieux vivre ensemble avec notre histoire qui, quoi qu'on fasse, nous est pour une bonne part commune». Il estime que c’est la première fois que «nous ferons un geste mémoriel ensemble. Ce n'est pas rien ! Je veux y voir un pas supplémentaire dans la collaboration entre nos deux ministères». «Ce dimanche, pour la première fois, à la parole viendra s'ajouter le geste, traduction concrète de l'hommage de la France aux victimes et de la reconnaissance des souffrances infligées», a-t-il ajouté. Le secrétaire d’Etat français aux Anciens combattants souligne qu’il y a eu «une reconnaissance officielle» des massacres du 8 mai 1945, «dans des termes très solennels, lors du discours prononcé par le président de la République François Hollande devant le Parlement algérien le 20 décembre 2012». Il rappelle ainsi que Hollande avait affirmé en cette journée historique que «les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu’à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles ». Pour lui, donc, il faut se tourner vers l’avenir. «L'histoire partagée entre la France et l'Algérie ne s'est pas écrite qu'entre 1954 et 1962, mais aussi sur les champs de bataille de la Grande Guerre et dans les rangs de la France. Il faudra faire en sorte que sans rien oublier des victimes, des drames qui nous ont opposés, sans renoncer à aucun moment à honorer leur mémoire, nous sachions aussi voir ce qui nous rassemble, ce que nous partageons et qui peut nous aider à avance ». Il se réfère ainsi aux déclarations du président Bouteflika, le 8 mai 2012 à Sétif, quand il avait appelé à une «lecture objective de l'histoire, loin des guerres de mémoires et des enjeux conjoncturels, afin d'aider les deux parties à transcender les séquelles du passé douloureux pour aller vers un avenir où puisse régner confiance, compréhension, respect mutuel et partenariat bénéfique». Pour Todeschini, «c'est cet esprit qui préside aujourd'hui aux relations entre la France et l'Algérie», et cela passe, affirme-t-il, «par des gestes forts et concrets, comme cet hommage qu’il rendrait à Saâl Bouzid, mais aussi aux combattants algériens, qui pendant la Seconde Guerre mondiale se sont engagés dans le combat contre le nazisme, en remettant à six d'entre eux la plus haute décoration française, la Légion d'honneur.
Rafik Meddour