Le tourisme de bureau
Par Abderrahmane Zakad – D'accord pour la diversité et la somptuosité de nos sites touristiques, mais il n'y a pas de quoi en être fier. On les a trouvés comme on a trouvé le pétrole. Allez visiter les musées : personne, les cinémas, oualou, prendre un verre de whisky, «babossible», un bon plat de poisson, inaccessible, et pour nous et pour les touristes étrangers, la saleté, partout. Ce sont des touristes étrangers et algériens qui me le disent et le disent à tout le monde : l’Algérie est sale, sale partout, dans le corps et dans la tête. Réconcilier le peuple avec le tourisme : s'il y a réconciliation comme vous dites, il y a donc eu divorce ! Alors, passons devant les juges, c’est-à-dire l'analyse de ce qui ne va pas, organisation de débats neutres et sérieux avec le peuple pour qu'il dise ce qu'il en pense. Hélas !, nous vivons sous la chape de plomb et sur les décombres de l’Algérie radieuse d'antan. Et autant en emporte le vent, parce que du vent on en fait ! «El tourisme kayen menha, ma kache menha !» Sur quelle argumentation, quelle enquête, sur la base de quelles statistiques, quelle qualité, et en plus, faire l'état des lieux, faire du qualitatif sur les sites construits autres que naturels (hôtels, piscines où on pisse et non chlorées), état des services fournis, niveau de formation s'il en est, le thermalisme qu'on a abandonné (voir à ce propos un spécialiste, Kamel Khelifa), etc. Je connais mon sujet par cœur. Ingénieur urbaniste en 1966, j'ai travaillé avec Pouillon du temps de Maâoui que j'ai connu au MALG en 1960 ainsi que le buveur de thé Keramane Abid, et Abdelkader qui par la suite est parti comme représentant du tourisme en Allemagne. C’était du temps où on changeait l'argent contre des pastilles et des boules en plastique, du temps où on élisait Miss Tourisme à Moretti. Quel Algérien ne voudrait pas faire du tourisme ? Hélas !, faire du tourisme, il faut une condition nécessaire et pérenne : la paix sociale. Or, nous ne sommes pas dans une société apaisée. Toutes les personnes que j'ai interrogées n'ont jamais quitté Alger et ne connaissent ni Béjaïa, hormis les émigrés (tourisme d'émigration !) ni Tlemcen, ni Timgad qui est à côté. Je vous le jure. Cela pour les gens d’Alger et qu'en est-il des gens de l'intérieur. Ils se réfugient dans leur douar en espérant d'autres moments. Lesquels ? Il est temps que le Président aille faire du tourisme au lieu d'occuper une seule chambre : son bureau. Il a inventé le tourisme de bureau, le tourisme statique… où on revisite son passé et où on rêve d’un monde qui lui avance.
A. Z.
Ingénieur urbaniste