Réécriture du 87 bis et redéfinition du SNMG : la montagne accouche d’une souris
L'article 87 bis du Code du travail sera appliqué dès le mois d'août prochain, a annoncé Sellal samedi dernier, soulignant que l'application de cet article «bénéficiera notamment aux bas salaires». Il a précisé que les augmentations de salaires qui en découleront vont osciller en moyenne entre 3 000 et 8 000 DA, selon les catégories de travailleurs, soit une moyenne de 5 500 DA par mois. Des sources de l’UGTA ont précisé que cette augmentation touchera 3 millions de salariés dont 1 million de la Fonction publique. Sur la base de ces chiffres, on peut aisément calculer l’impact annuel des augmentations qui seront supportées par le Trésor public. Soit 5 500 Da x 1.25 x 12 x 1 000 000 = 82,5 milliards de dinars, soit moins d’un milliard de dollars représentant 0.5% du PIB. Comme je l’avais souligné dans mes précédentes contributions sur le sujet, on est très loin des dérives salariales dont nous avertissaient les experts attitrés du patronat et les 6%, voire 16% du PIB d’impact avancés par ces experts. A ce sujet, je reprends ci-après un extrait de ma contribution publiée à l’occasion du 1er Mai 2015, consacrée à ce fameux article 87 bis. Extrait : l’article 87 bis institué en 1994 sur injonction du FMI «afin de contenir les salaires» a eu pour conséquence une réduction drastique de la part des salaires dans la répartition du revenu national qui est passée de 34,7% en 1993 (à la vielle de l'application du 87 bis) à 26,1% en 2013 après être descendue au-dessous de la barre des 20% en 1999-2000. Ce ratio est de 36% au Maroc, 37% en Tunisie et dépasse les 50% dans les pays de l’OCDE, atteignant pour certains d’entre eux 75%.
Durant cette période (1993-2013), la part de l’accumulation du capital à travers l’Excédent net d’exploitation et les amortissements des actifs de l’entreprise (Consommations de fonds fixes) est passée de 49,6% à 59,6%. Autrement dit, l’affectation de la richesse nationale a connu une évolution injuste au détriment des travailleurs et au profit du capital. Lors de la tripartite tenue en 2005, alors que tous les indicateurs économiques étaient sur une courbe ascendante, le chef du gouvernement avait affirmé qu’il «était conscient que la situation découlant de l'article 87 bis est vécue comme une injustice par le monde du travail» promettant d’œuvrer progressivement à faire disparaître cette injustice. Mais dix années après, l’absence de combativité syndicale autour de cette question due à la proximité avec les centres de décision pour certains syndicats avec, à leur tête, l’UGTA et à un certain esprit corporatiste pour d’autres, on se retrouve non pas avec une abrogation mais devant une redéfinition de l’article 87 bis qui se répercute, grâce aussi à des artifices réglementaires, par des augmentations insignifiantes pour les corps communs de la Fonction publique. Ceci en attendant ce que vont donner les négociations collectives dans le secteur économique public et, surtout, ce que vont concocter les patrons privés face à l’absence de syndicats et au laissez-faire des pouvoirs publics. On est très loin de la dérive salariale imaginée par les experts attitrés du patronat qui nous informaient il n’y a pas longtemps que cette révision allaient engendrer un impact de l’ordre de 6-7 milliards de dollars pour les uns et 11-12 milliards de dollars pour d’autres. Un expert qui revient sur la question à la vielle de chaque tripartite nous avait même alerté qu’à cause de cet impact la masse salariale globale allait passer (en 2014) de 54 à 88 milliards de dollars, soit une augmentation de 34 milliards de dollars. Pour se rendre à l’évidence il n’y a qu’à consulter la loi des finances 2015 qui a abrogé l’article 87 bis pour découvrir que l’impact réel qui sera généré par cette redéfinition sera inférieur à 150 milliards de dinars (soit moins de 2 milliards de dollars), c'est-à-dire ne dépassera pas 1% du PIB contre 6%, voire 17% avancés par nos experts attitrés qui ont curieusement brillé par leur silence depuis cette loi des finances et la promulgation, en février 2015, du décret redéfinissant le contenu du SNMG. Je rappelle que dans une précédente contribution, datée du 25 septembre 2014, j’avais souligné ce qui suit : «Comment peut-on nous parler de l'impact qui sera généré par cette mesure lorsque les "experts économiques" prennent un plaisir fou pour intervenir à la veille de chaque tripartite afin de peser de tout leur poids contre toute décision favorable à cette abrogation ou à une augmentation du SNMG en prenant appui sur des chiffres erronés ne correspondant nullement à la réalité ?» Avant de conclure plus loin : «Accepter la redéfinition du 87 bis au lieu de son abrogation, c'est accepter de perpétuer l'injustice vécue par les travailleurs pour paraphraser l’ancien chef du gouvernement Ouyahia».
N. B.