Le bruit attise la frénésie urbaine

Par Mohamed Benallal – Les nuisances sonores fixes ou mobiles, le tapage nocturne, les bruits de voisinage sont la première gêne des Algériens et la première cause peut-être de plaintes dans le pays. Pourtant, ce n’est pas une fatalité, nous sommes tous victimes de nuisances sonores, que faire ? Y a-t-il une loi qui nous protège ? Le contexte social et urbanistique actuel subordonné à l’environnement de nos villes, villages, cités, bourgs et quartiers… est en phase de crises de contestation généralisée dues dans un premier temps à une perte de confiance de nos institutions réfrigérées et de la défaillance de l’Etat. Devant une foultitude de problèmes d’hier non résolus ni liquidés, le calvaire des interrogations, des ennuis et des difficultés d’aujourd’hui accumulées sans cesse et sans issue et les bombes à retardement de demain. En plus des fléaux, phénomènes et maux de société s’ajoutent les nuisances qui détériorent et consument le cadre de vie de la population. Je ne vais pas m’amuser à traiter toutes ces questions. Il y a le bruit faisant partie d’une grande nuisance prise dans un sens de la saleté de l’environnement pareil aux ordures, à la déliquescence des utilités publiques, à la pestilence des services publics, à l’immoralité des fonctions de l’Etat, à la viciation des comportements des responsables, aux laxismes des veilleurs de droit, de l’ordre et de la discipline…
Le bruit cache le silence, il ne détruit pas le silence (proverbe)
Par métonymie, on décrit un son comme un bruit chaque fois qu'on le ressent comme désagréable, même s'il remplit une fonction de communication. Le bruit est une sensation auditive plus communément appelée son. Le son est aussi une vibration de l'air ou de tout milieu matériel élastique. La sensibilité au son en fait, pour les êtres humains comme pour tous les animaux, est un moyen de connaissance de l’environnement, d’une part, et un moyen de communication par la parole et par la musique, de l’autre. Par ailleurs, les gens considèrent comme indésirables les sons qui s'opposent à ces deux notions sus-citées, ils les appellent en le signifiant comme «bruit» et cela représente une véritable nuisance. Comme la musique chez soi et celle du voisin pendant la nuit, l’une est un calmant par sa détente, l’autre est une nuisance (les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas !), les amusements des enfants du voisinage et leurs cris, la «benne tasseuse» qui fait fonctionner en plein jour ou durant la nuit devant les maisons particulières son système de pression hydraulique bruyant, les klaxons, freins secs, les alarmes des voitures, les bruits de la circulation dans la voie publique, les bruits dus aux avions, les bruits dans les habitations, les bruits industriels, les voitures roulant avec des musiques à plein tube et toute sorte de bruits pour ne pas épargner certains sont les sources d’origine des bruits.
Tous les bruits et sons jugés indésirables sont des nuisances
Le bruit ou le son est également défini comme étant une vibration de l’air résolue par une cadence répétitive exprimée en physique par une oscillation par unité de temps nommé «hertz». Il existe plusieurs sortes de bruits ou de sons ; les physiciens les mesurent à partir de leurs fréquences ou variations et ce sont les sonomètres en décibel que le niveau du bruit ou du son étant mesuré. Il y a :
– les infrasons dont leurs cadences répétitives sont de moins de 20 oscillations par seconde ou plus normalement moins de 20 hertz ;
– les sons perceptibles par l’homme sont limités entre 21 et 20 000hertz ;
– plus de 20 000hertz sont considérés comme des ultrasons.
Le bruit circonvient sans détour sur la capacité de l’audition, plus la fréquence est élevée, plus le mal est grand, les différends bruits (continus, saccagés, coupés, aigus…) et autres signaux sonores sont également dangereux ou nuisibles pour la santé de l’homme qui peuvent mener jusqu'à la surdité, sinon encore pire… Les normes réglementaires destinées au cadre de vie d’une société sont définies par les dispositions du décret exécutif n°93-184 du 27 juillet 1993 qui réglemente la tolérance de l'émission des bruits. Son article 2 stipule que «les niveaux sonores maximum admis dans les zones d'habitation et dans les voies et lieux publics ou privés sont de 70 décibels pendant la journée qui s’étale de 6 heures à 22 heures et de 45 décibels en période nocturne soit de 22h à 6h». L'article 3 précise : «Les niveaux sonores maximum admis au voisinage immédiat des établissements hospitaliers ou d'enseignement et dans les aires de repos et de détente ainsi que dans leur enceinte sont de 45 décibels en période diurne et de 40 décibels entre 22h et 6h.» Toutes les émissions sonores supérieures aux valeurs réglementées par le décret sus-cité sont considérées comme une atteinte à la sérénité du voisinage, une gêne excessive, une perniciosité à la santé et une subtilisation de la tranquillité de la population. Par ailleurs, il est pensable et même très utile d’élaborer une critériologie et une cartographie de nuisances sonores pour instaurer les barrières de tolérance (limites acceptables) pour l’intégrité de l’appareil de l’audition qui influe directement sur le cerveau humain. D’autre part, le bruit peut altérer le repos, mais aussi la qualité du sommeil ; le sommeil dérangé ou perturbé contribue manifestement à une diminution des performances de l’énergie qui se rapporte au travail, la concentration est réduite par un amoindrissement intellectuel, baisse de la motivation physique et mentale, nervosité et agressivité qui se positionnent à fleur de peau. Le bruit naît d’une multitude de sources à la portée de tout le monde et présente une incontestable menace sur la santé publique en termes de coût, d’usage et de moralité puisque le stress, l’angoisse, l’exaspération, les troubles de la mémoire et même la dépression sont autant d’effets associés, souvent, à une vie dans une atmosphère bruyante.
Un individu exposé longuement au bruit, comme le bourdonnement d’une mouche ou d’un moustique pendant la nuit au moment du sommeil, est tout un supplice, la torture moderne s’exécute sur les personnes par des systèmes sonores. Ceci peut se traduire par une agressivité aggravée, un accroissement du nombre d’altercations, une moindre affectivité à l’égard des autres, moins d’intérêt à l’environnement social, etc. La jeunesse inconsciente est la première victime du bruit, les jeunes et leurs loisirs se tarabiscotent par du vacarme et du tapage, dans une boîte de nuit pour ne citer qu’un extrême cas, la musique amplifiée intercepte tout chemin en décibel pour une parole humaine même si elle forte. Les automobilistes écoutent cette musique raï à plein tube, les vitres ouvertes, pour nous faire partager forcément peut-être leurs extravagances. Le bruit est une véritable nuisance sociale qui est porteuse de pollution environnementale pareille à la saleté. Nous n’arrivons pas à comprendre ni à justifier le silence qui entoure ces questions au niveau de la puissance publique devant une telle infraction, surtout les mariages qui sans aucune autorisation font la fête à coup de musique à très forte amplitude sans aucun souci, ni moralité, ni respect d’autrui, ni insouciance de la part des fêtards, viveurs, noceurs, des jouisseurs ; l’ordre public est perturbé et celui qui veille à cela est absent. Les médias narrent l’inutile et la laideur et dénient l’utile et l’important pour ne pas exciter l'opinion publique ni déranger les patrons ? Déposer une plainte (acte de citoyenneté) pour une infraction aux dispositions de l’article 13 du décret sus-cité, et ce, conformément à l’article 129 de la loi n°83-03 du 05/2/83, pour « tapage » nocturne dans un contexte donné auprès de qui de droit est une gageure, sachant pertinemment qu’elle se termine en queue de poisson.
Les lois se taisent au bruit des armes et de la trompette guerrière
L'Etat semble totalement se désintéresser de cette question et d’autres plus importantes, car que je sache aucune étude n'a été faite ou lancée par un organisme environnemental sur l'impact du bruit sur nos populations. Les statistiques médicales ne sont pas rendues publiques. Par ailleurs, il est clair que dans notre société, le citoyen qui conteste ses droits et appose ses obligations dans son milieu au sens large du terme n’existe point, la preuve que le bruit chez nous fait partie intégrante de la société parce qu’elle est inculte, mais aussi in-éduquée ? Les cités populaires se transforment, dès la matinée, en une vaste foire où les bonimenteurs avec leurs haut-parleurs dictent leur loi. Les citadins sont de plus en plus embarrassés par des bruits issus de la circulation de véhicules, de mobylettes sans tuyau d’échappement, et les travaux de chantier et bien d’autres nuisances. Le bruit affecte non seulement la qualité de la vie, mais il y a d’autres facteurs qui rongent nos méninges par cupidité et qui nous évitent de faire en sorte de vivre en harmonie avec son prochain, d’où le vacarme nocturne ou pendant la sieste sans se soucier de son pauvre gentil voisin. Pardi, je suis chez moi et je fais ce que bon me semble, je suis libre ! Nous existons aujourd’hui sans vivre dans un contexte de ni loi, ni foi, ni morale. La société a besoin plus que jamais de l’éducation sociale qui nous fait drôlement défaut de cette situation catastrophique où le droit n’existe point. Enfin, chacun a constaté que l’Algérien ne parle pas, il gueule. Les Algériens peuvent se parler dans le bruit, mais ne savent pas s’écouter dans le silence. Dans une pièce lors d’une fête, une seule femme écoute et le reste des femmes bavardent ! Chacun de nous a remarqué que dans un café ou «bis-trop» ( bistrot) pour prendre un café «presse», l’ambiance est insolite, tout le monde parle en criant au milieu d’une fumée tabagique, les oreilles sont violées par le bruit! La perte de toute notion de ce qu’on appelle le respect d’autrui et leur quiétude. Les habitants de la cité deviennent de plus en plus agressifs pour un rien, la morale de l’histoire doit-on excuser les fautes et l’inexpérience que font commettre à la société quelques zigotos qui vivent dans l’impunité ? Il est peut-être temps de reconquérir les valeurs morales et les règles sociales du savoir-vivre pour notre société, car le mal est trop profond, ces valeurs n’ont point de prix, les mettre de côté signifie que le calvaire n’est pas près de se terminer. Que chaque lecteur de cet article fasse un petit geste de citoyenneté, commençons par faire moins de bruit en se respectant et en respectant ses voisins pour enfin respecter autrui, pour que le respect du bien et le respect des lois deviennent une norme moralisante pour bâtir un cadre de vie sain qui nous permet de penser à construire une société régit par la règle de droit et non par les humeurs des hommes (flen oula feltane).
M. B.

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