Excellence, daignez pour une fois me répondre
Par Farouk Zahi – Excellence, ce titre honorifique jadis attribué aux seuls ministres, ambassadeurs et hommes du haut clergé est à donner, aujourd’hui, à certains hauts fonctionnaires de l’Etat, chefs de rédaction, médecins spécialistes, édiles, au vu de leur comportement qui parfois frise le dédain. La liste est, malheureusement, trop longue pour être, ici, déroulée. La doléance, introduite par écrit comme il est de coutume, ne recevra que rarement une réponse. Cependant, il y a des exceptions qui seront immanquablement condescendantes et laconiques. Froides comme un marbre tapissant une morgue, elles vous rappelleront votre condition d’être «inférieur» et gare à vous s’il vous vient à l’idée de remettre en cause la qualité du service ou de la prestation délivrés. Il est rare, actuellement, de lire une correspondance débutant par «Cher(e) M/Mme un(e) tel (le)». En dehors de l’objet et d’un numéro, il n’y a plus de références renvoyant au rédacteur du texte ni au service qui l’a initiée. Ceci voudra dire que le destinataire devra faire les couloirs déserts pour retrouver l’expéditeur donc le prestataire du service. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) nous rendent, présentement, d’inestimables services quant à la saisie qui nous faisait dépendre de la fée de la dactylographie. Encore heureux qu’il soit fait bon usage de la téléphonie mobile par l’utilisation du texto à l’instar de la Gendarmerie nationale, la DGSN et quelques ministères. Le département des affaires religieuses s’y est récemment mis, mais s’est vite fait moucher parce qu’il l’a fait en langue française. Comme si les autres institutions étaient tacitement autorisées à le faire en cette langue. La confection de textes passait par plusieurs phases aussi problématiques l’une que l’autre : le brouillon, le texte au propre et enfin la saisie. Cette dernière nécessitait du papier, du carbone pour la duplication, une machine à écrire avec tous ses caractères et une main experte. Nul besoin à présent de tout cet attirail, l’internet a déjà supplanté l’archaïsme d’antan. Il suffit de disposer d’une adresse électronique pour communiquer en temps réel. Malheureusement, cet outil qui a révolutionné la communication planétaire ne semble pas fédérer les avis de nos décideurs. Et c’est ainsi que des administrations centrales et des services déconcentrés continuent leur bonhomme de chemin par l’intermédiaire du courrier traditionnel – le cachet de la poste faisant toujours foi. A ce propos, combien d’examens et de concours ratés par la seule lenteur du courrier traditionnel. Il ne faut surtout pas vous aviser de correspondre par la formule «courrier express», car celui mettra… un certain temps comme dirait ce célèbre humoriste français des années 60. La rustique télécopie appelée communément «fax» a apparemment de beaux jours devant elle. Considérée toujours comme moyen de communication rapide, elle est tributaire d’une pérenne connexion et d’un rouleau de papier valide. Quittons maintenant les méandres de l’administration publique et allons voir du côté des rédactions journalistiques à qui il faut reconnaître l’accessibilité par la communication des numéros de leurs lignes téléphoniques et leurs adresses électroniques. Il est observé, cependant, les mêmes comportements bureaucratiques que les services publics. Comme tout individu possédant une parcelle de pouvoir, elles développent un discours laudateur vis-à-vis de la masse, mais pratiquent le mépris vis-à-vis de l’individu. Essayez d’envoyer un article à publier ou une mise au point, il vous sera difficile, sinon, impossible de connaître le sort réservé sauf de feuilleter tous les matins le quotidien receveur de l’écrit. La mise à la trappe se fera dans un silence abyssal. Envoyez des emails ou des SMS d’information ou pour tout autre objet à une vingtaine de personnes de votre entourage, attendez-vous à ne recevoir que deux ou trois réactions qui peuvent être aussi simples qu’un «Ok !» ou un «Bien reçu !». Pourtant, il ne suffit que d’un clic pour répondre presque instantanément. Le jeune médecin généraliste qui s’échinera à rédiger son compte-rendu à l’adresse de son confrère spécialiste à qui il confiera son patient aura peu de chances de recevoir une réponse. Cette posture anti-déontologique est condamnable à plus d’un titre. Elle fait fi du principe sacré de la confraternité et du devoir de restitution par la rétro-information. Certains spécialistes installés en médecine de ville, et dont le comportement n’honore pas la corporation, ne se donnent pas la peine d’ouvrir un registre des rendez-vous. Ils obligent ainsi leurs patients à se lever aux aurores pour s’inscrire sur une liste d’attente accrochée généralement à la clôture ou la porte d’entrée. Le plus chanceux d’entre eux attendra son tour près de trois heures après l’ouverture du cabinet. Notre praticien ne viendra qu’après avoir accompli sa vacation dans une structure médicale privée. Cette désinvolture ne peut être motivée par aucune contingence ; la préservation de la dignité est la première règle des droits humains. Ces droits humains sont le plus souvent écorchés par ceux-là mêmes qui prétendent les défendre. Ces distorsions comportementales que rien ne justifie se sont durablement inscrites dans les us sociétaux et quand il arrive à quelqu’un de les dénoncer, on le regarde étrangement avec le commentaire suivant : «D’où tombe-t-il celui-là… il oublie qu’il est en Algérie ?» Comme si le pays était un ramassis de médiocres. Ces mêmes personnages aigris et suffisants filent droit dans tout autre pays. Ils s’inscrivent spontanément dans ses règles même si elles ne sont pas mises en évidence. Alors, que dire des responsables qui attendent que leurs subalternes leur disent à l’unisson : «Bonjour !» avec un sourire aux lèvres ? Ou ceux qui, assis lourdement sur leur céans, vous tendent une main molle encombrée d’un stylo ou d’un trousseau de clés. Le respect d’autrui participe d’abord du respect de soi-même.
F. Z.
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