Fiqou ya les jeunes !
Par Abderrahmane Zakad – J'ai connu le théâtre de Béjaïa entre 1946 et 1948 lorsque de l'école Amour-Abdelkader, la colonisation nous menait vers ce lieu le jour de Noël pour nous donner du chocolat, cinq dattes et une orange. On était pauvre, fier, beau et heureux dans notre pauvreté, de la houmaOubazine jusqu’à Bab ellouz, de la houmaKaraman à la houmaCherchour où j'habite toujours. Les jeunes animateurs du Club littéraire de Béjaïa (CLB), auquel il m'arrive d'assister, ne donnent ni chocolat ni orange. Ils donnent du savoir, de la culture et permettent les débats, conviviaux, chaleureux. On tente de leur supprimer la petite aide financière pour poursuivre leurs activités alors qu'on aide trois ou quatre associations bien «choisies» à Béjaïa afin de maintenir en vie le peu de culture qui reste dans cette ville moribonde, ma ville. Ces toutes «petites associations», à qui on donne des locaux, de l’argent, qui ne font rien à part des sorties pour les balades ou ramasser les ordures, donc, «presque rien», sont douteuses. Elles n’ont dans leur effectif aucun cadre, aucun universitaire de taille, ne produisent aucune réflexion concernant leur domaine, aucun document hormis des cartes de visite et des prospectus narcissiques et creux. Ces associations bien «choisies» vont même en France, invitées par des officines gérées par des anciens pieds-noirs (merci André Matto, merci Papalardo, merci Vendini, merci Schiaffino). Je suis à la disposition du CLB pour une conférence et des débats concernant le nouveau paysage culturel imposé de l'extérieur (le pce, terme que je viens d'inventer). Il nous faut connaître qui est qui, qui fait quoi et qui tire les ficelles dans ce théâtre de marionnettes que sont les associations sur l’environnement, sur «sauvons la nature», sur les singes magots, sur «gardons la mer propre», sur les aiguades, sur… sur… sur. Je regrette de ne pas avoir pu assister à la conférence organisée par le CLB en novembre, conférence donnée par mon ami M. L. Maougal sur le thème des œuvres de Mammeri. A Béjaïa, sommes-nous en train de subir «la mort absurde des Aztèques» ? Parce que j'ai été scandalisé de voir, le 22 décembre 2015, défiler des femmes voilées dans le centre de Béjaïa comme si on présentait des singes magots. Non, nos filles nos femmes ne sont pas une singerie ! Avec en plus itebalennet la zorna! On aurait dû faire défiler en même temps des filles et des femmes pilotes, médecins, institutrices, artistes et non pas des filles masquées par l'aâdjaret le haïk,ce qui veut dire qu'elles n'existent pas. Nous voulons des filles et des femmes qui existent par leur personnalité, leur travail et leur intelligence. J’aime voir une femme avec le voile, c'est beau, la classe. Je les ai vues sortir du cinéma Dounyazad, naguère à Alger, ou de mon ciné à Bougie, après un film avec Farid El-Attrach et Asmahane. C’était naguère, lorsque nous étions colonisés où les femmes, comme du bétail, étaient invitées (emmenées ?) pour un moment de spectacle. Comme on donne du chocolat à un enfant s'il se tient bien. Honte à nous, honte aux hommes qui organisent cela aujourd’hui, dans les rues de Béjaïa, à La Casbah d’Alger, rue Didouche Mourad et au Jardin d’essai. Je les ai vues, j’y étais. Et puis, puisqu’il faut regarder dans le rétroviseur, pourquoi pas également faire défiler les dockers avec la chemlade la «belle» époque des hchaichiaet des hozzias,ou encore des hommes et des femmes avec le sarouel loubia,les babouches, la chachia stamboul,etc., c’était dans nos traditions vestimentaires et pourquoi pas les mulets de La Casbah qui ramassaient les ordures. A Béjaïa, cette manifestation de défilé des femmes voilées a été organisée par une «association» sponsorisée par une société privée avec en plus l'accord des autorités. Qui a décidé cela ? Qui a payé ces femmes ? Combien ? D’où viennent-elles ? Dans l'opacité, on ne peut que spéculer et… imaginer. Pourquoi les hommes, les organisateurs, ne font pas défiler leurs femmes avec celles présentées dans la rue. Personnellement, c'est ce que j'aurai fait, pour éviter toute suspicion à cette opération douteuse. J'aime voir une femme voilée, mais est-ce pour l'identité ou pour mon plaisir macho ? Question importante. Le voile est-il le signe d'une identité nationale ou celui d'une identité urbaine, voire casbéenne ? En Kabylie, dans les Aurès, on ne le porte pas. Madame la directrice du Musée des arts traditionnels pourrait nous éclairer. Les spécialistes universitaires également. De plus, on aurait pu organiser dans un théâtre ce genre de manifestation en y adjoignant des filles pilotes, des femmes médecins, des artistes à côté des femmes voilées. Organiser des conférences, parler du voile, du passé, de l'avenir et aussi du chardonneret qu'on enferme dans une cage. La cage aux oiseaux. La cage du voile. Réveillons-nous, ya nas,et ne laissons pas les charlatans et les incompétents accaparer notre identité, notre culture, nos femmes, pour je ne sais quel but. Une femme, c’est sacré, c’est notre génitrice et, en même temps, les fondations qui soutiennent le toit qui protège la maison et la famille, socle indestructible de notre société.
A. Z.
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