Pseudo-suspense sans intérêt
Par Kamel Moulfi – Le tapage politico-médiatique fait depuis de longs mois autour de la révision constitutionnelle était-il justifié maintenant que l’on sait qu’elle n’est ni consensuelle ni substantielle, et qu’elle sera facilement votée par le Parlement, acquis à tout ce que fait le pouvoir, sachant également que le Conseil constitutionnel n’ira jamais à l’encontre de la volonté du président Bouteflika ? Un suspense a été entretenu dans la classe politique et dans les médias sur son contenu et sur les modalités du vote, Parlement ou référendum, par ceux qui se sentaient investis du rôle de porte-parole du chef de l’Etat. Mais ce pseudo-suspense n’a suscité aucun intérêt chez la masse de la population préoccupée par des soucis immédiats et l’angoisse du moyen terme, et plus sensible aux prévisions pessimistes, voire catastrophistes, des experts de l’opposition qu’aux assurances données par le gouvernement. La rue ne parle pas de la révision constitutionnelle et le microcosme politique, habituellement à l’affût des nouveautés, en discute à partir d’«on dit» sans avoir lu le document. Le passage de la langue tamazight, déjà nationale, au statut de langue officielle n’a soulevé d’enthousiasme chez personne, pas même chez ses partisans qui ont porté cette revendication par le passé. De la même façon, l’article sur l’interdiction des binationaux d’occuper certains postes – d’ailleurs «modulé» par le Conseil des ministres – a entraîné des commentaires qui n’ont pas réussi à faire bouger l’opinion publique. On comprend, dès lors, la prudence de la présidence de la République qui a choisi le Parlement pour avaliser son texte, au lieu du référendum. Il y avait un risque certain d’une abstention record qui s’explique facilement par l’absence de débats publics et quasiment l’indifférence de la population sur cette question. En demandant le passage par le référendum populaire pour adopter la révision constitutionnelle, certains dirigeants de l’opposition étaient convaincus qu’une telle consultation se serait soldée par une fin de non-recevoir et donc une véritable désapprobation du pouvoir. Tout porte à croire que cette Constitution sera de nouveau remaniée dès la fin de règne de Bouteflika, tant elle est l'œuvre d'une poignée de décideurs et n'émane pas du peuple.
K. M.
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