Qui se souvient de «Youm El-Ilm» ?
«Youm El-Ilm», c'est la journée de la science, célébrée chaque année en Algérie, le 16 avril, date de la mort du Cheikh Abdelhamid Ben Badis, le 16 avril 1940, à l'âge de 51 ans, qui fut le premier président de l'association des Oulémas musulmans (savants de la foi musulmane) algériens. Les institutions éducatives et culturelles algériennes organisent, à cette occasion, différentes activités pour souligner les bienfaits de la science et de la connaissance sur les sociétés humaines et les avancées et le développement que la science, sous toutes ses formes, leur permet de réaliser pour le bien-être physique et moral des populations. Malheureusement, au fil des ans et la mauvaise foi des uns et des autres aidant, la célébration de la journée de la science ainsi que les anniversaires d'autres événements historiques importants sont de plus en plus bâclés voire omis ou occultés. Et les stèles érigées ici et là, à la mémoire de nos héros et des différentes personnalités nationales, sont pour la plupart abandonnées et livrées à l'usure du temps. D'abord, à cause de la rareté ou de l'absence de ressources financières nécessaires à leur entretien, durant les années de crise, puis, à cause du terrorisme.
Pour marquer cette journée en 2016, la dynamique maison d'édition «Alem El-Afkar» a édité la traduction en langue arabe, d'un rapport inédit du commandant Jacques Carret, fonctionnaire auprès de la direction générale des affaires politiques et de la fonction publique du ministère des Affaires algériennes. Le document est intitulé «L'association des Oulémas musulmans algériens». Il comporte, dans ses annexes, une note classée «secret» du SDECE(*) (ancêtre de la DGSE), datée du 18 décembre 1954, qui a été déclassifiée et qui signalait aux autorités françaises qu'«une trentaine d'Algériens, dont la majeure partie est inscrite à l'université d'Al-Azhar, ont été convoqués, le 29 novembre 1954 au bureau du Maghreb, par Mohamed Khider, chef de la délégation de l'Algérie au Caire et membre important du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, MTLD». Seuls huit d'entre eux avaient été finalement retenus pour suivre un stage de commandos, à Helouan, en Egypte, sous la direction d'officiers égyptiens. Leur encadrement politique se fera par Cheikh Mohamed Bachir El-Ibrahimi, membre fondateur de l'association des Oulémas musulmans algériens. Parmi ces jeunes, il y avait un certain Mohamed Boukharrouba, alias Houari Boumediene, qui deviendra plus tard un prestigieux chef de l'Etat algérien.
Alem El-Afkar a aussi réédité, pour cette occasion, le livre publié en 1972 par le Dr Ahmed Taleb Ibrahimi, fils de Cheikh Mohamed Bachir El-Ibrahimi, sous le titre : «De la décolonisation à la révolution culturelle (1962-1972)». Cet ouvrage se voulait le bilan exhaustif de dix années d'activité et de réalisations culturelles et éducatives du gouvernement algérien de l'époque.
En ces temps de reniement des principes, idéaux et valeurs de la Révolution du 1er Novembre 1954 et de bradage des acquis politiques, diplomatiques, économiques et sociaux de l'Etat algérien «souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques», que la proclamation du 1er Novembre 1954 visait à restaurer, après l'indépendance, la lecture de ce livre constituera sans aucun doute un ressourcement salutaire pour les Algériens et les Algériennes. Des Algériens et des Algériennes aujourd'hui humiliés, insultés et menacés par un pouvoir cupide et obstiné, qui détruit les ressources humaines du pays, pille et brade ses ressources naturelles non renouvelables et dilapide ses ressources financières, en couvrant notre pays de honte à cause des scandales de corruption qui se succèdent, de la régression et des mauvais classements qu'il enregistre dans pratiquement tous les domaines. Tout ceci, malgré les 800 milliards de dollars qui ont été irrationnellement dépensés depuis avril 1999, sans réduire sa dépendance des exportations des hydrocarbures, qui dépasse toujours les 98%.
En tout état de cause, l'Algérie est en train de sombrer irrésistiblement dans une oligarchie prédatrice, fondée sur un libéralisme sauvage qui a détruit le tissu industriel non négligeable que le pays avait laborieusement bâti, la corruption, le népotisme et le régionalisme. Des fléaux généralisés gros de tous les risques pour la cohésion, la stabilité, la sécurité et l’unité de l’Algérie, que la mascarade du quatrième mandat, qui est en train de tourner à la tragédie, dont le deuxième triste anniversaire aura lieu le 17 avril prochain, a lourdement aggravés.
Rabah Toubal
(*) Note du SDECE du 12 décembre 1954