Les Saturnales de Bernard-Henri Lévy doivent cesser (II)
Dans le dernier article de la «rédaction» de la Règle du jeudont il est le président (lisez bien le titre et méditez : «la règle du jeu» n'est guère proposée ni débattue – non ! – elle vous est imposée), BHL vient encore – avec la perfide certitude d’être dans son bon droit – de mettre un cheval de Troie sur son nouvel échiquier de morts. Désormais, il prétend défendre une région algérienne : la Kabylie ! BHL, défendre la Kabylie ? Comme si la Kabylie était orpheline d'Irgazen. Rien ne l’arrête, notre BHL. Walou ! Il promet un soutien à un homme algérien, Ferhat Mehenni, pour pousser la région kabyle au séparatisme et à l’indépendance. Rien que ça ! Car, en effet, à écouter BHL, le «colonialisme algérien» tue la Kabylie. Misère ! Le colonialisme israélien, lui, sauve les Palestiniens, assurément. On a envie de sourire tant l’incongruité est phénoménale, mais, voyez-vous, c'est le culot de BHL ! C'est comme ça ! Plus c'est gros et plus ça passe. Et plus il aime ça. On ne l'a pas briefé visiblement, on ne lui a guère narré la force de résistance de la Kabylie pendant toute la colonisation. A tel point que ses enfants les plus réfractaires à la violence coloniale ont été sauvagement déportés en Nouvelle-Calédonie, en Syrie, au Liban, en Palestine, en Egypte… et d’où on y parle encore kabyle dans les familles d'origine kabyle de ces lointaines contrées. Chez ces lointains descendants, on y dit encore «soussoum» pour appeler au silence devant l’indécence(1). Il faut méconnaître l’Algérie et son histoire, oui. Il faut méconnaître ce qu'ont apporté les hommes et les femmes de Kabylie contre les pouvoirs injustes pour pouvoir prétendre les dresser contre la patrie charnelle qui est la leur et qu'ils ont aussi libérée depuis une longue chaîne de générations. Malgré toutes les critiques qu'ils peuvent adresser au gouvernement algérien, les Kabyles sont et restent algériens. Ils ont en horreur les interférences, aiment les débats frontaux et francs. Et malgré leur pudeur, antique, ils aiment leur pays entier, leurs montagnes de refuge ancestrales, leurs familles, mais n'aiment guère étaler leurs sentiments. Leur silence n'a jamais été la preuve que leurs cœurs sont froids, tant s’en faut, il faut les connaître de près, sans les forcer. Ne jamais forcer un Kabyle. Leur amour de l’Algérie est fait de débats, de chicanes, de joutes verbales. La critique politique, chez les Kabyles, n'est jamais la preuve d'un désamour, à l'inverse, c'est une façon – incomprise par les gens trop policés – pour dire à quel point ils aiment ce pays : Dzayer ! Car trop souvent leur regard voit au-delà des apparences. Au-delà des plaines, leur regard est forgé, depuis des siècles, par des chaînes montagneuses, ils savent que non loin d'une terre escarpée peuvent se cacher un ravin, un précipice et la mort certaine. Ils en ont vu des envieux voulant les soumettre chez eux. Ils en ont vu ! Mais ils n'ont jamais plié. Tant de nos hommes sont morts, tant et tant… On ne parvient plus à les compter. Les forces d'opposition politiques existent aussi en Algérie : en quoi est-ce spectaculaire dans le cas des combats pour la reconnaissance des racines amazighes de toute l’Algérie ? Comme tout combat, l'endurance annonce la victoire. Que nous sachions, du reste, ce ne sont pas les affaires de Bernard-Henri Lévy ni de tous ceux qui défendent les droits de certains peuples et taisent cruellement les droits des autres peuples. Nous préférons nous débrouiller seuls et la sollicitude, subite, venimeuse, de Bernard-Henri Lévy nous est indécente et malvenue. Suspecte pour tout dire. La décence kabyle n'est pas un vain mot, il ne le sait pas encore : la «horma», chez nous, vaut tous les discours qu'il ne saura jamais penser(2), ni même écrire. La «horma» c'est l'exact opposé du toupet, de la posture intéressée, de l'insolence, de la provocation. La «horma» c'est un appel sec à la dignité, à la dignité vraie. Si la langue berbère n’était pas encore reconnue (elle l'est désormais et BHL n'a guère été informé : le download s'est grippé), cette situation trouve ses racines dans un confinement sans fin de notre particularisme qui ne saurait être, en aucune façon, le fait calculé et conscient des Algériens eux-mêmes. De l'Empire ottoman en passant par la colonisation française jusqu’à l'arabisme dévoyé imposé par les Frères musulmans venus d’Egypte, ce confinement s'est ossifié, amplifié jusqu’à la révolte. Tous ces épisodes historiques ont été des greffes étrangères, ultra-violentes et agressives, venues disloquer le lien unitaire et – pour couronner le tout avec perversité – prétendre que nous, le peuple algérien, nous n'avons jamais existé, que notre pays n'existe pas, que nous sommes dissemblables, voire ennemis les uns des autres. Ils ont tous essayé cette imposture. Y compris quand ils manipulaient la religion musulmane. Etrange et semblable rhétorique imposée aux Palestiniens qui n'auraient jamais existé, ni la Palestine d'ailleurs. C'est fou, cette façon de procéder ? Ils ont tous essayé cette imposture. Le panarabisme n'a été qu'une illusion idéologique, supplémentaire, survenue, comme par hasard, au moment du dépeçage de l'Empire ottoman. Car pour abattre une nation, un peuple, il se trouve toujours des faiseurs d'opinion qui vendent de nouvelles idéologies, jusqu'au jour où il faudra s'en débarrasser en en créant d'autres. Aujourd'hui, on dirait, prosaïquement, le mot « barbouzes», ou secrètement «officine» ou encore, plus cyniquement, «laboratoire politique d’expérimentation in vivo» (avec des morts, bien entendu, cela s'entend – et de préférence de façon industrielle – c'est plus jouissif pour les faiseurs d'opinion, ils aiment la mort des autres. Pourquoi les en priver ?). Tout a été fait pour briser et nier la singularité culturelle de toute l'Afrique du Nord, car la ténacité, le combat, la fierté, la dignité de nos aïeux étaient insupportables pour ceux qui se sont suivis, les uns et les autres, sur nos terres. Et nos terres sont si belles ! Et nos richesses si évidentes ! Il n'y a que nous pour ne pas le voir réellement. Tragique cécité nationale ! Nous sommes attachés à nos traditions, à notre culture, à notre langue, à notre histoire, car c'est le legs de nos ancêtres, de nos pères. Nous avons vraisemblablement été moins affectés que les autres Algériens par les changements linguistiques et culturels du fait de la protection de nos montagnes et de l'organisation sociale traditionnelle. Avec un autre relief, nous aurions vécu la même transformation linguistique, de fait, par la force des choses. La géographie a toujours fait l'Histoire, Monsieur Ferhat Mehenni, et non l'inverse. Nous aimons notre histoire, car nous aimons nos ancêtres. Nous aimons nos ancêtres, car leur dignité ne cesse de nous émouvoir. Nos morts ne cessent de nous demander une sépulture pour le repos à venir de nos enfants.
«Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires». Didouche Mourad, résistant patriote Algérien, kabyle. 1954.
Si la dignité de nos prédécesseurs était connue, au-delà de l’Algérie, par ceux qui prétendent la défendre, la politicaillerie de BHL serait l'occasion d'en rire… pour l’éternité. Il ne faut pas nier, non plus, que d'autres Algériens – aussi – ont gardé leurs racines : les Chaouias, les Touareg, les Chenouis, les Mozabites, etc. Toutes ces parties organiques, charnelles, constitutives de l'Algérie, sont aussi les facettes de l’Algérie ancienne, première, berbère. Nous sommes une pièce, nous Kabyles, de la mosaïque algérienne ancestrale et il bien curieux de vouloir nous couper de nos racines pour nous défendre. Afouss ! Nous en sommes une partie ! Afouss ! Nous en resterons une partie ! Le mérite ou la malchance de notre situation, c'est selon, c'est que la Kabylie est souvent d'avant-garde dans les combats politiques, tant qu'elle ne tombe pas elle-même dans le piège des idéologies de pouvoir clos et sclérosant – tentation contre laquelle aucune culture, aucune nation, aucune religion n'est prémunie : communisme, nazisme, fascisme, inquisition, islamisme, sionisme… Ce que propose Mehenni, Bernard-Henri Lévy et l’ingérence du Maroc dans ce nous qui concerne, en propre – la Kabylie – est une insulte à notre intelligence. A ce propos, le roi du Maroc aurait mieux à faire en s'occupant du Rif, notamment en raison de l’actualité récente belge, que de s’ingérer dans nos affaires : l'historien Pierre Vermeren explique conséquemment la tragique histoire des Rifains. Leur ostracisme est terrifiant. Ce n'est pas le cas des Kabyles en Algérie, n'en déplaise à la rigidité de Ferhat Mehenni. Il déforme la réalité sciemment. Maatoub Lounès avait indiqué, dans une de ces chansons virulentes, à ce que les militants de la cause, la culture amazighe en Algérie, de veiller au grain, quant au choix des hommes à suivre. Le présent lui a donné manifestement raison(3).
Dahbia Ifacène
(1) Ajoutez au passage un nouvel oxymore : la décence béachélienne.
(2) Bernard-Henri Lévy dans son livre « De la guerre en philosophie » (2010), cite abondamment le philosophe Jean-Baptiste Botul, l'auteur d'un grand nombre de travaux sur Emmanuel Kant… Mais il y a un « mais » ! En effet, Jean-Baptiste Botul est un personnage fictif créé en 1995, dont l'auteur véritable, Frédéric Pagès, a eu la facétie remarquable de faire un canular littéraire. BHL, qui ne semble pas beaucoup lire ni vérifier ses sources, est tombé dans le panneau. Frédéric Pagès mérite le prix Nobel de la « contre-guerre ».
(3) Vidéo à voir : https://youtu.be/3d9Kj-mBvtc
On dit que lorsque le chat a émigré :
Les rats se mirent à danser !
Ils ont battu le blé sans qu’une part ne soit réservée.
Et ils veulent que le MCB soit divisé !
Tout Amazigh, clairvoyant et sage,
Ne saurait suivre leur sillage :
Ya dadda Mohand U Ferhat
Ya Sidna Sa3di rusé comme le chien-chacal
Levez-vous pour défier le temps !
Faites-le vous seuls, sans nous !
Sur nous la lumière s’est pointée,
l’étendard amazigh s'est levé !
Ô brise, transmets-leur le salut,
aux enfants de mon pays
Dans les montagnes de la Soummam.
Là où mes frères sont tombés.
Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cet espace n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas forcément la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.