A quoi sert la loi ?
Par Kamel Moulfi – Le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé la couleur dans un entretien publié hier par Le Soir d’Algérie. Il souhaite que le gouvernement ferme les yeux sur les dizaines de milliers de logements sociaux détournés et revendus en sous-main par les ripoux de l'administration et les indus bénéficiaires. C'est devenu à la mode : plus on vole, plus on triche, plus on a des chances de «réussir» dans ce pays. Le ministre, lui-même, reconnaît que «légaliser dans ce cas, c’est légaliser la triche, la spéculation». Il sait et fait savoir que «beaucoup avaient des actes notariaux illégaux alors que les notaires n’ont absolument pas le droit de fournir de tels actes». Combien sont-ils ces «illégaux» ? «De l’ordre de 250 000», révèle le ministre. Bien plus, pour sûr. Dans certaines cités, les membres de la commission OPGI chargés de faire leur travail de recensement des cas illégaux se font agresser. C’est toujours le ministre qui le dit. D’ici la fin du mois, le gouvernement aura pris une décision, annonce Tebboune, et tout indique que les trafiquants recevront une bonne nouvelle : ils sont blanchis ! Le gouvernement veut vendre ces logements, car il a besoin de dinars. Le pardon fiscal accordé à l’informel et l’emprunt obligataire n’ont pas suffi, alors que la mise en vente des logements sociaux appartenant à l’Etat n’a pas rapporté ce qui était attendu, parce qu’ils ont fait l’objet d’un vaste trafic. En fait, la crise a servi de bon prétexte pour «laver» les personnes qui ont versé dans ce commerce juteux. Placés au «bon endroit» dans les rouages d’une administration gangrénée ou bénéficiant de solides appuis clientélistes, ils ont eu des logements «à l’œil» et les ont revendus au «prix du marché». C’est, visiblement, dans le secteur de «l’urbanisme, la construction et l’habitat» que les plus grandes libertés sont prises avec l’Etat de droit. La loi du 29 juillet 2008 sur la mise en conformité des constructions inachevées est un véritable cadeau à ceux qui ont défié l’Etat sur le terrain, en portant atteinte aux droits d’autres citoyens censés être protégés par la loi. Devant tant d’impunité, il y a de quoi se demander à quoi sert la loi.
K. M.
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