Les Algériens veulent partir avec ou sans visa
Par Abdelkader Benbrik – Jamais un flux d’émigrants clandestins n’a été enregistré comme celui de l’année en cours, surtout depuis le début de cet été. Des Tunisiens qui rejoignent la Libye pour se diriger vers l’Italie, et des Marocains et Subsahariens rejoignent l’Ouest algérien pour se diriger vers les côtes espagnoles. Des centaines de personnes de tous âges, des deux sexes et de toutes nationalités, même des Chinois venus travailler en Algérie, sont candidats aux départs clandestins vers l’autre rive de la Méditerranée. En Algérie, en ce qui concerne les moyens de navigation, il y a une nette amélioration dans la filière. Fini le temps des petites chaloupes, zodiacs et des embarcations de fortune. Selon certaines indiscrétions, les moyens disponibles sont sûrs et garantis, et répondent aux desiderata de ceux qui paient le prix fort, une partie en monnaie locale et une autre en euros. L’information passe de bouche à oreille et il est très difficile de la vérifier. Notre source parle avec précaution, car c’est une organisation très forte, mais pas mafieuse, qui organise les départs en temps opportun avec garantie d’y arriver à bon port. D’abord, selon nos interlocuteurs, c’est au quartier d’El-Hassi que les «négociations» sur le départ clandestin sont entamées. Cette zone est très peuplée, des ruraux venus de toutes les régions du pays, environ 40 000 âmes entassées entre constructions légales et illicites. Ce grand quartier isolé de toute couverture sécuritaire depuis sa création dans les années quatre-vingt est dépourvu de poste de sécurité que soit de sûreté urbaine ou de la gendarmerie, ce qui laisse vraiment dire que c’est un «quartier libre». Ajoutons à cela que des constructions illicites sont mises en location aux Subsahariens de tous types, légaux et illégaux. Le chômage touche une très grande partie de cette population qui pratique toutes sortes de commerce illicite. Nos interlocuteurs nous confirment que dans ce quartier, l’Etat est absent et c’est l’anarchie qui s’impose. Donc, la délinquance du «commerce» des départs clandestins en mer risque de se transformer en criminalité. Certains pseudo-passeurs ont déjà escroqué pas mal de candidats subsahariens, qui hésitent de se plaindre aux services de sécurité par peur d’être arrêtés et expulsés vers leurs pays respectifs. Cependant, la part du lion dans les départs clandestins revient aux locaux, des Algériens de toutes les régions atterrissent à Oran, certains sont orientés vers Mostaganem auprès du groupe appelé «jamaât Ouilis», c’est-à-dire du cap Ouilis, d’autres sont divisés entre Oran, Cap Falcon, et Bouzedjar, dans la wilaya d’Aïn Témouchent. Quant au prix, notre source donne approximativement entre 70 000 et 100 000 DA en monnaie locale plus une moyenne de 800 à 1 000 euros. Cela dépendrait du nombre de candidats qui partagent la somme globale. En moyenne, dix personnes pour chaque départ. Selon une autre formule qui est assez spéciale, une information que nous n’avons pu confirmer, un seul «passager» est pris en charge par des chalutiers contre une forte somme en monnaie locale et en euros. Le candidat arrivé au large change de chalutier, des Espagnols le prennent en charge avec sortie du port et un billet de train vers une ville française. Cette émigration clandestine résulte aussi des mesures draconiennes adoptées par les représentations consulaires des pays européens pour l’obtention de visa. Ainsi, nous confirmons que la plupart du temps, les demandes de visa font l’objet d’un refus sans aucune étude de dossier ou sans transmission de demandes au consulat par le bureau intermédiaire créé par la mission consulaire espagnole et qui comprend un personnel algérien ; le lendemain du dépôt de la demande, une personne se dirige vers le domicile du demandeur pour lui restituer le passeport universitaire avec comme réponse refus de visa. Des universitaires se sont vu refuser le visa, mais ce qui est anormal, c’est que de grosses sommes d’argent, environ un million de centimes minimum versé pour chaque demande, ne se sont jamais remboursées. Ces missions consulaires sont souveraines dans leur décision, mais elles commettent des erreurs graves, nous explique un ancien diplomate algérien. Il constate qu’un grand pourcentage de ces demandeurs de visa a quitté le territoire national par voie de mer clandestinement. Donc, les pays européens sont confrontés au problème d’identification. Alors, s’ils avaient délivré des visas, l’identification serait facile et le renvoi de chacun dans son pays sera légal. Or, notre enquête effectuée en France a révélé plusieurs anomalies. On a constaté que les personnes intègres et irréprochables font toujours l’objet de reconduite à la frontière, alors d’autres parmi des suspects, voire même de terroristes et repentis, sont bien traités, parmi eux ceux qui avaient obtenu des récépissés de séjour de trois années, renouvelable sans indication : «n’autorise pas son titulaire à travailler». La conclusion vient de ami Saïd, un vieil émigré en France : «La France a occupé mon pays pendant 132 ans, sans dire pardon et merci, il est du devoir de chaque Algérien d’occuper la France pendant 132 ans, après quoi le contentieux serait apuré et chacun reste chez soi.»
A. B.
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