La valeur, la morale et le travail
Par Mohamed Benallal – Nous, les Algériens, étions en 1962 des gens pauvres, mais bien braves, notre unique moyen de transport individuel était notre bien-aimé âne si doux, soumis à notre désir boulimique sans frontière. Actuellement, les temps ont changé, celui qui prônait hier le socialisme pontifie aujourd’hui l’ultralibéralisme sauvage. Les valeurs sociales, la morale, les normes, les mesures n’obéissent plus au critère travail fruit de richesse, la valeur ajoutée a cédé par la force politique la place à la spéculation tous azimuts. Le résultat, une baraka d’or noir issue du Sahara s’est constituée dans l’échange en rente, que les hyènes du pouvoir se sont vite empressées de détourner.
L’histoire commence sur la route des vacances, dans ma petite bagnole. Roulant modestement, j’arrive à l’entrée de l’agglomération de Beni Saf ; une super-bagnole de luxe roule à une vitesse dépassant la limitation prescrite. Le chauffeur jette à travers la fenêtre un mégot qui, par frottement avec le bitume, donne lieu à des escarbilles qui peuvent être à l’origine d’une catastrophe (incendie). Deux minutes plus tard, la super-voiture s’arrête à une station-service pour s’approvisionner en carburant. Je fis de même, me plaçant en file derrière lui et attendant mon tour. Le conducteur de la super-bagnole est un grand monsieur de grande taille, bien sapé, bien rasé, bien peigné, le modèle type de l’Européen.
La façon avec laquelle la cigarette a été balancée me torture l’esprit. Je récite la sourate-III verset-110 du Coran : «Vous formez la meilleure communauté suscitée pour les hommes. Vous ordonnez ce qui est convenable. Vous interdisez ce qui est blâmable .Vous croyez en Dieu.»
Quittant ma voiture, je me dirige vers le «Monsieur» et m’adresse à lui poliment.
– Bonjour, Monsieur ! Très curieux de savoir le prix de cette formidable bagnole.
La réplique ne se fait pas attendre.
– Oh ! Tu sais, c’est une bagnole pleine !
– Pleine en quoi, je n’ai pas bien saisi ?
Il rétorque :
– Ça se voit que tu n’es pas du métier !
– C’est-à-dire ?
– C’est une voiture toutes options !
– Ah bon ! Et combien coûte-t-elle ?
– Elle coûte tant !
– Un prix qui ne trouve pas de fichier pour se fixer dans ma tête !
Je lui pose cette question :
– Possède-t-elle un cendrier en option ?
– Bien sûr ! Un cendrier avec poussoir et lampe lumineuse !
– Alors, Monsieur ! Puisque c’est ainsi, pourquoi, il y a à peine un instant, en me dépassant sur ce palier de route en ligne continue, vous avez jeté votre cigarette par la fenêtre de votre voiture ? L’option du cendrier sert à quoi, alors ?
Un petit acte civique que chacun pourrait produire engendre plus de bien que de se taire et laisser le mal se répandre. Il a été bien dit que «la morale fait partie d’une éducation publique commune à toutes les classes de citoyens. Que l’on écarte avec soin de cette éducation toute influence sacerdotale.» Alors, agis de telle sorte que la devise de ta volonté puisse être promue en loi morale.
M. B.
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