Les amis de l’ami de Netanyahou
Par Kamel Moulfi – Le président du MSP, Abdelaziz Mokri, bombe le torse parce qu’une «courageuse» militante de son parti prend part à la flottille de la liberté destinée à briser le blocus contre Gaza. Elle a été sélectionnée, dit-elle, par le Comité international qui organise cette expédition et fait partie des trente femmes de différentes nationalités qui y participent. La pin-up d’Al-Jazeera, Khadidja Benguenna, s’y rend aussi. Ces islamistes qui font corps avec l’AKP d’Erdogan, parti au pouvoir en Turquie, pour se battre à leur manière pour [une partie de] la Palestine, celle que dirige le Hamas, feront-ils un crochet par l’ambassade d’Israël à Ankara pour siroter un café et trinquer à la santé de Benjamin Netanyahou ? Car leur attitude relève de l’hypocrisie quand on sait que le mentor déclaré de Mokri, du MSP et plus largement de la mouvance des Frères musulmans en Algérie, est bel et bien Erdogan.
Erdogan est celui qui a décidé de «faire la paix» avec l’entité sioniste dont les dirigeants n’hésitent pas à ordonner chaque jour à leurs services de répression de tuer les Palestiniens, de détruire leurs habitations, de mettre en prison les militants, sans parler du blocus de Gaza imposé depuis 2006 à une population qui n’a, à aucun moment, abandonné la résistance à l’occupant ni ses revendications à bâtir une Palestine totalement libérée.
On sait que le président du MSP a multiplié les voyages en Turquie, comme celui effectué en octobre 2015, où il rencontre les Frères musulmans version AKP. La tentative de coup d’Etat contre Erdogan et les péripéties qui l’ont suivie ont paru déstabiliser Mokri et ses amis de sa mouvance islamiste. Le conflit lié à la course au pouvoir entre deux fractions islamistes, celle d’Erdogan et celle du mouvement Hizmet de Gülen fait craindre, en fait, au président du MSP que les laïcs tirent profit de cette division et agissent pour encourager l’affaiblissement de la mouvance islamiste dans ce pays.
Autre dilemme pour Mokri et ses compères : comment continuer à être fidèle à Erdogan qui s’est lié à Israël sans perdre la base islamiste algérienne qui est fanatisée dans l’opposition à ce pays ? C’est sans doute pourquoi il a sauté sur l’aubaine offerte par l’initiative «Femmes, cap sur Gaza», organisée pourtant par des femmes laïques qui ressemblent à celles que le MSP ne cesse de condamner en Algérie, à la moindre occasion. Comme à son habitude, et conformément à son opportunisme – «la guerre est une affaire de ruse» –, Mokri a décidé de faire de l’entrisme dans ces navires, regroupés sous le nom de «Mujeres Rumbo a Gaza» (Bateau des femmes à Gaza) qui transportent des dizaines de femmes – y compris des Israéliennes –, et vise à briser le blocus naval mis en place en 2006 par l’ami d’Erdogan.
En juin 2015, une flottille suédoise avait été interceptée au large de la côte de Gaza par les forces de sécurité israéliennes et escortée jusqu’au port d’Ashdod, dans le sud d’Israël. En mai 2010, dans un véritable acte de piraterie en haute mer, l’entité sioniste avait fait arraisonner par ses commandos le bateau Mavi Marmara dans les eaux internationales. Les militaires israéliens avaient tué dix militants turcs qui se trouvaient à bord et leur intervention a fait aussi des dizaines de blessés. La protestation internationale avait été faiblement relayée par le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, qui s’était limité à demander au Premier ministre israélien de lui présenter des excuses, mais l’incident avait entraîné une rupture des relations diplomatiques (qui existaient déjà) entre Tel Aviv et Ankara. Elles ont été rétablies en juin.
Entretemps, Erdogan a abandonné l’idée de défier Israël et a renoncé à organiser une nouvelle flottille pour Gaza. Qu’à cela ne tienne, le MSP embarque avec des femmes laïques et même avec des Israéliennes !
K. M.
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