Noureddine Bouterfa brise le scepticisme sur sa capacité à faire de l’ombre à Chakib Khelil
En ces temps de crise et d’austérité, il est un ministre du gouvernement Sellal qui s’active particulièrement pour conjurer le sort de la banqueroute. Aux commandes du secteur stratégique de l’énergie et des mines, Noureddine Bouterfa est en passe de relever les défis. Les négociations historiques du rendez-vous de l’Opep à Alger en septembre dernier et le redressement interne de Sonatrach ont révélé un ministre bien plus efficace que l’ex-directeur général de Sonelgaz qu’il a été.
Point de honte à le reconnaître, la presse a été bien sceptique lors de sa nomination au poste de ministre de l’Energie en juin 2016. Noureddine Bouterfa, le PDG de Sonelgaz pendant plus de 10 ans, n’avait pas convaincu en raison d’une gestion qui n’a pas su rééquilibrer les comptes faussés par de vertigineuses créances, d’un réseau électrique national défaillant et perturbé par les délestages, de grands ratages dans le raccordement de milliers de foyers au gaz naturel malgré des sommes d’argent colossales injectées. En plus de déboires judiciaires qui lui ont valu moult tracas.
Pourtant, en quelques mois, dans un contexte de crise aigüe du marché pétrolier, Noureddine Bouterfa réussit l’organisation à Alger d’un sommet extraordinaire des pays exportateurs de pétrole, rencontre informelle de concertation qui devient rapidement le rendez-vous historique dont les orientations ont été validées mercredi dernier à Vienne. Il s’agit notamment de réduire la production de l’or noir d’un peu plus d’un million de barils par jour, selon ce qui a pu filtrer des travaux à huis clos. Des cadres de son équipe racontent dans les milieux initiés que le ministre a pris le temps d’adresser des courriers, de parler longuement au téléphone avec ses homologues de pays grands producteurs pour les convaincre, au préalable, d’un sursaut dans la gestion des quotas. «Un message clair : il faut baisser la production», aurait martelé Bouterfa, qui aurait bénéficié de l’appui du département de Ramtane Lamamra et des bonnes relations de la présidence de la République avec des monarchies influentes au sein de l’Opep.
Sur le plan technique, pas de doute, le ministre de l’Energie n’a pas lésiné sur les moyens ni la mobilisation, demandant à ses collaborateurs un état détaillé du marché pétrolier à tous les niveaux, avec une actualisation permanente dans la perspective de maîtriser les débats à l’échelle macro-économique. «Une banque de données a été constituée grâce à la confiance de nombreux partenaires étrangers, tels le Venezuela, la Russie et même l’Arabie Saoudite», confie un expert, qui salue le «côté diplomate» de Noureddine Bouterfa. Mieux encore, ce serait le voyage à Moscou de notre ministre qui aurait permis de persuader les Russes, fédérant les producteurs non-Opep, de suivre la tendance baissière de la production pour un impact efficace sur le prix du baril.
Sur le plan national, Bouterfa a promis qu’«il n’y aurait plus de scandale Sonatrach» en répondant à un député qui s’inquiétait de la gestion de la plus importante des compagnies algériennes. «Des mécanismes de contrôle ont été mis en place pour prévenir tout préjudice, désormais.» Il est trop tôt pour en juger, mais le choix de l’actuel patron de l’énergie n’est pas de faire dans la communication tonitruante. Habile et silencieuse, façon d’effacer l’époque Chakib Khelil. On a vu comment il a préféré traiter le contentieux entre Sonatrach et le groupe français Total, de la tentative à l’amiable jusqu’à la demande d’un arbitrage international. C’est un peu ce qui caractérise la méthode Bouterfa : patience, mais détermination. De l’énergie durable pour surmonter la crise à la veille d’un hiver difficile pour le gouvernement Sellal.
Maya Loucif
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