Aux candidats à la présidence de la République française
Par Abdallah Zekri – Les dimanches 23 avril et 7 mai prochains arrivent à un train d’enfer et les citoyens de confession musulmane qui vivent en France, électeurs ou non, sont de plus en plus au centre de vos phrases ambiguës, voire dévastatrices pour le vivre ensemble.
Notre pays connaît singulièrement depuis les dernières années un contexte islamophobe sans précédent dans la sphère politico-médiatique. Les citoyens français de confession musulmane se sentent régulièrement stigmatisés, dénigrés et de plus en plus discriminés dans tous les aspects de leur vie quotidienne.
Pourtant, ces Français de confession musulmane se sont illustrés, depuis des générations, dans la défense de la France contre les agressions fascistes et contribuent chaque jour à la construction et au développement de notre pays.
Les théories hasardeuses sur le rôle de l’islam dans la désagrégation de la République font des citoyens de confession musulmane les boucs émissaires du XXIe siècle pour se soustraire au vrai débat sur les effets de la mondialisation et sur l’échec des politiques publiques en matière d’accès à l’emploi, à la santé, au logement, à la culture et aux droits en général.
Vouloir résoudre au forceps la question du terrorisme par l’entretien de la confusion entre musulmans et terrorisme est une erreur politique.
D’une part, c’est vite oublier que, dans le monde, les musulmans sont les premières victimes du terrorisme, et d’autre part, c’est occulter que la quasi-totalité des Français de confession musulmane dénoncent et condamnent les actions terroristes qui se sont produites sur notre territoire. Les Français de confession musulmane n’ont rien en commun avec ces terroristes salafistes wahhabites imbibés d’une doctrine dévastatrice – faut-il le rappeler – assumée par des pays avec lesquels la France continue à entretenir des relations économiques privilégiées.
Les Français de confession musulmane subissent une triple peine : victimes des actions terroristes barbares au même titre que leurs concitoyens (lors du dernier attentat de Nice, trente-trois morts sur quatre-vingt-cinq étaient musulmans, soit plus d’un tiers, alors qu’ils représentent moins de 10% de la population nationale), victimes des discours officiels de plus en plus ouvertement anti-islam, victimes du traitement médiatique quasi exclusivement stigmatisant et flagellateur.
Si le terrorisme vise tous les Français, sans distinction de nationalité, d’origine, de genre et de religion, l’islamophobie, en revanche, ne vise que les Français de confession musulmane ! Les ennemis de la République sont parvenus à leurs fins : propager la mort, la haine, la division et l’opposition entre les citoyens français.
L’idéologie populiste nauséeuse à l’encontre des Français musulmans était jusqu’à présent conduite principalement par l’extrême droite, mais la sphère politico-médiatique française et certains intellectuels l’ont reprise et propagée. Plutôt que de rassembler, unir et solidariser tous les enfants de la République dans le giron de Marianne, les «pyromanes du microcosme politico-médiatique» s’activent frénétiquement pour accroître l’anxiété des Français sur le dos de leurs compatriotes de confession musulmane et faire oublier les vrais problèmes de notre société qui nous touchent toutes et tous : chômage, précarité sociale, dégradation du service public, baisse du pouvoir d’achat, etc. Cette propagande nauséabonde les poursuit jusqu’à la plage où l’on nous sort encore une nouvelle raison de stigmatiser plus encore les musulmans et plus particulièrement les musulmanes. Car, paradoxalement, ce sont encore les femmes qui restent les premières victimes des agressions islamophobes.
Ces millions de citoyens français de confession musulmane, qui souhaitent vivre paisiblement leur foi et en conscience dans le cadre des valeurs de la République et de la laïcité, ne supportent plus de vivre humiliés et discriminés dans leur pays des droits de l’Homme, des libertés et de la démocratie. La laïcité leur assure la neutralité de l’Etat, la protection et la liberté de conscience et de pratique de culte. Pourtant, des pseudo-intellectuels et journalistes s’acharnent à faire de la laïcité un fer de lance pour mettre l’islam hors la loi.
Les Français de confession musulmane dénoncent fermement ces traitements médiatiques et politiques de l’islam. Notre pays possède d’éminentes personnalités de Français musulmans qui peuvent contribuer foncièrement à restaurer et renforcer les piliers d’un contexte favorable au bon vivre ensemble et à une vie harmonieuse commune.
Un tel engagement ne peut être efficace, dans l’intérêt de toutes et de tous, que si et seulement si les femmes et les hommes politiques appelés à diriger notre pays au titre du quinquennat à venir assument pleinement la responsabilité d’un engagement dans le même sens. C’est dans cet esprit que nous souhaitons recueillir vos engagements à l’égard des intérêts spécifiques des Français de confession musulmane en votre qualité de candidat(e) à l’élection présidentielle. Il est entendu que nous serons également attentifs aux engagements moins spécifiques et partagés avec l’ensemble de nos concitoyens que vous ne manquerez pas de prendre à l’occasion de vos interventions à venir.
Nous vous remercions et vous prions de croire, Madame, Monsieur, à l’expression de nos sentiments libres, républicains, laïques et fraternels.
Questions :
1 – Quels sont vos projets concernant la place, l’objet et les responsables de la Fondation des œuvres Islamiques de France ?
2 – Comptez-vous prendre les mesures qui s’imposent pour arrêter la multiplication des interdits dont les femmes musulmanes sont l’objet ou devraient être l’objet de la part de certains (plages, lieux publics, université, éventuellement les entreprises, etc.) ?
3 – Envisagez-vous de mettre un terme aux immixtions de l’Etat dans les pratiques religieuses spécifiques à l’islam ?
4 – Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour permettre la formation en France des imams appelés à exercer sur le territoire national ?
5 – Etes-vous favorables à ce qu’un repas de substitution sans viande soit proposé dans les cantines scolaires ?
6 – Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre les discriminations, visibles et dissimulées, de toute nature, dont les musulmans, entre autres, mais pas seulement, sont encore l’objet (recrutement, concours, promotions, accès à l’emploi, au logement, etc.) ?
7 – Comptez-vous apporter des modifications à la loi de 1905 relative à la laïcité pour la rendre plus restrictive, comme certains le demandent ?
Abdallah Zekri
Secrétaire général du CFCM, président de l’Observatoire contre l’islamophobie
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