Pourquoi Washington a de plus en plus peur d’une intervention russe en Libye
Après le commandant des forces américaines pour l’Afrique (Africom), c’était au tour samedi de la secrétaire générale adjointe de l’Otan, Rose Gottemoeller, de s’interroger sur le rôle de la Russie en Libye. Le bras droit de Jens Stoltenberg s’est notamment inquiété du rapprochement de Moscou avec le maréchal Khalifa Haftar, le commandant de l’Armée nationale libyenne (ANL), qui mène actuellement une lutte implacable contre les groupes terroristes dans l’Est libyen.
«Le traitement fait par la Russie du dossier libyen prête à inquiétudes. Les autorités russes s’étaient engagées devant le Conseil de sécurité de l’ONU à soutenir le Gouvernement d’union nationale de Fayez Essaraj. Or, il semble qu’elles commencent maintenant à changer de fusil d’épaule», indique Rose Gottemoeller, qui croit, par ailleurs, avoir décelé des tentatives de Moscou de changer les rapports de forces sur le terrain en faveur de l’armée du maréchal Haftar, à laquelle la Chambre libyenne des représentants a offert sa couverture politique.
Durant la semaine dernière, la Russie a également essuyé des critiques de la part de l’Union européenne (UE) de même nature. Critiques intervenant après que la presse occidentale ait évoqué la présence d’éléments d’une société russe de sécurité dans l’est de la Libye. Ce tir groupé révèle en réalité une crainte manifeste des Occidentaux de voir la Russie, qui est sur le point d’imposer une Pax-Russia en Syrie, élargir sa zone d’influence en Méditerrané et de déraciner le terrorisme dans la région. Un terrorisme qui sert souvent d’alibi aux capitales occidentales pour déstabiliser ou envahir des pays du Sud à fort potentiel énergétique, comme l’est la Libye.
La levée de boucliers provoquée en Europe par les échanges entre Moscou et Khalifa Haftar accrédite clairement l’idée que les Occidentaux veulent faire de la Libye leur chasse gardée après l’avoir précipité dans un chaos absolu. A noter que personne n’a trouvé à redire lorsque le général Thomas Waldhauser, commandant d’Africom, a évoqué le week-end dernier la présence, pour une durée indéfinie, de troupes spéciales américaines sur le sol libyen.
Dans un passé très récent, les officiels américains avaient pourtant assuré qu’il n’y avait que «quelques éléments» détachés pour une durée limitée à Syrte, officiellement pour coordonner avec les forces loyales au gouvernement de Tripoli dans leurs efforts visant à contrecarrer l’avancée de Daech. Washington avait, dès le 1er août 2016, lancé, à la demande de Tripoli, l’opération «Odyssey Lightning» afin de fournir un appui aérien à ses troupes alors engagées dans une offensive visant à chasser la branche libyenne de Daech dans la région de Syrte. Personne n’a réagi également lorsque les Etats-Unis ont annoncé leur projet de construire une base aérienne militaire dans le nord du Niger. Et il est certain qu’il ne s’agit là que de la face émergée de l’Iceberg.
Khider Cherif
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