Terrorisme : quand Lakhdar Brahimi dit ses quatre vérités aux Occidentaux
Lors du 7e Forum européen des think tanks intitulé «Le voisinage de l’UE : comment le stabiliser ?», qui s’est tenu récemment à La Valette (Malte), l’ancien diplomate onusien et ex-ministre des Affaires étrangères, Lakhdar Brahimi, ne s’est pas privé de rappeler aux Occidentaux leurs responsabilités dans le drame humain que vivent leurs voisins arabes. Usant de termes crus, Lakhdar Brahimi a d’abord tenu à rappeler aux nombreux présents à cette rencontre organisée par l’Institut Jacques-Delors (IJD) et la présidence maltaise de l’UE que «Daech est le résultat de l’invasion de l’Irak et de la dissolution de l’armée irakienne». «Des centaines de milliers de personnes ont perdu leurs postes au sein de l’armée, et c’est pour cela que Daech est si bien organisé (…)», a-t-il estimé, tout en regrettant que les Européens peinent à regarder la réalité en face au sujet des migrants.
Lakhdar Brahimi a ajouté que les bombardements menés par les Etats-Unis n’avaient atteint aucun objectif militaire, mais avaient plutôt poussé Daech en dehors de l’Irak et vers la Syrie, l’Afrique du Nord et le reste de l’Afrique. «Daech est une création conjointe des musulmans, des Américains et des Européens occidentaux. Vous ne combattez pas Daech avec des bombardements. Vous combattez Daech en vous attaquant aux problèmes qui ont conduit à sa naissance», a-t-il martelé.
S’agissant de la problématique de l’immigration clandestine, plusieurs intervenants se sont exprimés sur la crise des réfugiés durant la journée, discutant principalement de la réaction de l’UE plutôt que de l’origine de la crise. L’ancien Envoyé spécial de l’ONU en Syrie a, de son côté, conseillé de se pencher plutôt sur les causes de cette crise des réfugiés sans précédent. Selon lui, elle a été déclenchée par des politiques occidentales destructrices.
M. Brahimi rappellera que «l’un des principes des affaires internationales est que si vous ne pouvez pas faire de bien, au moins ne faites pas de mal». A ce propos, l’ancien fonctionnaire onusien assénera : «Je ne pense pas que vous ayez respecté ce principe.» «Si ce ne sont pas les Européens, du moins les Occidentaux ne l’ont pas respecté. L’Irak a été envahi et détruit par les Américains, avec la complicité d’un des plus importants pays européens et d’une personnalité majeure. Le pays a été anéanti et sa reconstruction prendra longtemps. Je ne pense pas que les Américains et M. Blair aient envahi l’Irak pour le donner à l’Iran, mais c’est ce qui s’est passé», a-t-il rappelé.
Quid du terrorisme ? Lakhdar Brahimi s’est contenté de citer le président d’Afghanistan, Ashraf Ghani, qui a récemment déclaré, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, que «le terrorisme international ne disparaîtra pas avant au moins vingt ans». S’agissant de la Libye, Lakhdar Brahimi a déclaré que personne ne pleurait le départ de Mouammar Kadhafi, ajoutant néanmoins que «l’intervention de l’Otan, menée par Nicolas Sarkozy, a détruit le pays et créé plus de problèmes qu’elle n’en a résolu».
Concernant la Syrie, Lakhdar Brahimi a déclaré que l’analyse des capitales occidentales avait été «très superficielle», surtout lorsqu’elles ont décidé que le dirigeant du pays, Bachar Al-Assad, devait partir en quelques jours ou du moins quelques mois, alors que l’ONU et lui-même affirmaient qu’il n’y avait pas de solution militaire. A ce moment-là, les dirigeants occidentaux les avaient accusés de chercher à protéger Bachar Al-Assad. Et quand finalement l’Occident a fini par accepter qu’il n’y eût pas de solution militaire, ils étaient déjà engagés dans une action militaire. Interrogé sur le rôle de la Russie en Syrie, M. Brahimi a soutenu que l’intervention militaire de la Russie avait fait «beaucoup de dommages, mais aussi beaucoup de bien». «Elle a notamment permis à la Syrie de rester unie», a-t-il poursuivi, puisque le pire des scénarios, selon lui, serait la désintégration du pays.
Khider Cherif
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