Le mouvement de contestation enfle en Tunisie : l’armée sort les chars
Devant la crainte de vivre un second printemps, les autorités tunisiennes ont pris cette semaine la décision de renforcer la sécurité à Tataouine, théâtre actuellement d’importantes protestations sociales. Toute la région est quadrillée par des unités de l’armée. Le ministre tunisien de la Défense, Farhat Horchani, a déclaré que l’armée a pour mission de protéger notamment les installations pétrolières vitales dans cette province du sud du pays, «compte tenu des protestations, des menaces terroristes et de la dégradation de la situation sécuritaire dans la Libye voisine».
Bien que produisant du pétrole, Tataouine compte parmi les provinces les plus pauvres du pays. Le taux de chômage y atteint les 31%. Depuis le 11 avril dernier, les habitants de cette région sortent presque quotidiennement dans la rue pour protester contre la marginalisation, demander du travail et des investissements. Leur colère se joint à celle de nombreux autres Tunisiens qui craignent que le nouveau plan d’austérité que le FMI cherche à imposer à leur pays aggrave la paupérisation de la société. La Tunisie croule actuellement sous une dette externe qui frôle les 27 milliards de dollars. L’inquiétude est d’autant plus grande que le secteur du tourisme, sur lequel repose l’essentiel de l’économie tunisienne, est actuellement quasiment à l’arrêt.
D’un autre côté, les autorités tunisiennes craignent que les groupes terroristes implantés dans le pays mettent à profit ce contexte social difficile pour commettre des attentats. Tunis redoute également des infiltrations terroristes à partir de la Libye voisine, pays devenu une zone de repli pour de nombreux djihadistes. La hantise des Tunisiens est de voir leurs ressortissants, au nombre de 3 000 (certaines sources parlent de 5 000), enrôlés actuellement dans les groupes terroristes qui activement au Maghreb ou au Moyen-Orient, revenir au pays.
Auditionné vendredi 21 avril à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) par la commission parlementaire d’enquête sur les réseaux d’envoi de Tunisiens au djihad, Hédi Majdoub, ministre de l’Intérieur, a indiqué que «800 djihadistes sont déjà revenus en Tunisie». Il a indiqué que sur ces 800, «190 sont actuellement en prison, 37 sont en liberté conditionnelle et les autres laissés en liberté, mais sous surveillance quotidienne». M. Majdoub a ajouté que 27 371 Tunisiens ont été interceptés, depuis 2013, par les forces sécuritaires et empêchés de se rendre dans les zones de conflits. Il a fait savoir à l’occasion que son département «a, depuis janvier 2017, réussi à démanteler 8 cellules d’envoi de djihadistes dans les zones de conflits et que 537 suspects ont été transférés devant la justice».
Khider Cherif
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