Bouteflika face à deux choix : dissoudre l’APN ou légiférer par ordonnance
Le verdict est tombé comme un couperet hier. Plus de 60% des Algériens refusent que le Parlement issu des élections de ce 4 mai les représente. Comment l’Etat va-t-il légiférer dans ces conditions ? Au nom d’une minorité ? Malgré les incidents qui ont émaillé le vote de ce jeudi et en dépit des recours qui vont être déposés par les quelques partis contestataires qui ont accepté de «jouer le jeu», bien qu’ayant mis en garde, en amont, contre une «probable» fraude, la nouvelle composition de l’Assemblée populaire nationale (APN) sera validée par le Conseil constitutionnel, qui révisera quelques menus détails qui ne changeront absolument rien à la nouvelle configuration politique voulue en haut lieu.
Tout indiquait, dès le départ, qu’un taux d’abstention record allait être enregistré lors de ces élections pour plusieurs raisons, en tête desquelles le niveau bas à la limite du risible de nombreux candidats à cette échéance. Mais les citoyens sont surtout dégoûtés par les querelles de chapelle qui tournent autour des intérêts personnels et des dividendes à répartir sur les «représentants du peuple», sans que ces derniers jouent un rôle quelconque qui se traduise sur le terrain par une amélioration des conditions de vie des électeurs.
Placé dans une sorte de régime hybride, le système politique actuel fait que toutes les réalisations – infrastructures, augmentations salariales, etc. – sont attribuées au pouvoir exécutif, ce dernier prenant le soin de rappeler que tout ce qui est fait l’est en application des «instructions» du président de la République. Une situation qui crée un double rejet chez le citoyen, qui se voit exclu de tout débat et de toute participation aux décisions qui engagent l’avenir du pays. Non seulement les Algériens rejettent l’action politique – en général –, à laquelle ils ne veulent être mêlés ni de près ni de loin et qu’ils assimilent à la corruption et à la magouille, mais ils réprouvent plus particulièrement le Parlement, car ce dernier est censé être issu de la volonté populaire pour exprimer celle-ci à travers une institution complètement vidée de son sens.
La question se pose, au lendemain du scrutin du 4 mai, de savoir si le président de la République va maintenir cette Assemblée illégitime qui représente bien moins que les quelque 38% de votants, puisque plus de deux millions de bulletins déposés dans l’urne étaient blancs. Dans le cas où l’APN issue de ce vote serait maintenue, quelle valeur auraient les lois qui y seront votées ? Le président de la République va-t-il légiférer par ordonnance pour pallier cette défaillance ? Passera-t-il outre le refus des citoyens de reconnaître un Parlement qui devient ainsi totalement obsolète ?
Même si cela n’apparaît pas, l’Algérie vit bel et bien une crise politique profonde. Si la situation était normale, le premier magistrat du pays aurait ordonné que soient réorganisées les élections et aurait dissout cette instance non représentative ou lui aurait substitué une Assemblée constituante, de sorte à répondre aux aspirations de l’écrasante majorité qui a dit non à l’APN dans sa forme actuelle.
Mais ce n’est pas à deux ans de la fin de son quatrième et dernier mandat présidentiel qu’Abdelaziz Bouteflika prendrait une telle décision qui révolutionnerait le régime politique et ouvrirait la voie à une IIe République, laquelle incarnerait enfin le vrai changement que les Algériens espèrent. Ces derniers viennent de lancer un message clair à l’endroit des décideurs. L’ont-ils saisi ?
M. Aït Amara
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