Le message codé de l’Algérie aux principaux acteurs de la guerre civile libyenne
Expurgé de son caractère diplomatiquement correct, le message d’Abdelkader Messahel aux Libyens est on ne peut plus clair. La persistance de la guerre civile en Libye commence à agacer Alger au plus haut point. D’où la dernière tournée du ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes dans ce pays en ruine, depuis l’intervention militaire de la France et de la Grande-Bretagne. Plus le chaos perdure en Libye, plus la menace est grande pour l’Algérie, qui a déjà assez de mal à verrouiller ses longues frontières, dans une région de moins en moins stable. Dans ce conflit libyen, où plusieurs protagonistes extérieurs se disputent les richesses souterraines de ce vaste pays peuplé de pas moins de dix millions d’âmes, les différentes parties qui se livrent une guerre fratricide sanglante depuis la chute de Kadhafi sont liées à divers centres d’intérêts qui parasitent les nombreuses tentatives de dialogue conduites par l’Algérie notamment pour aboutir à une solution politique pacifique. Autrement dit, l’Algérie refuse de s’ingérer dans les affaires internes de la Libye, mais elle considère que l’affaire libyenne est aussi la sienne.
Hormis la France et la Grande-Bretagne, qui escomptent toujours les dividendes du renversement du régime du colonel Mouammar Kadhafi, l’Egypte, les Emirats arabes unis, le Qatar et même le Maroc tentent de marquer leur territoire. L’Egypte, qui considère la Libye comme un prolongement vital pour elle, vu sa démographie galopante et la grave crise hydrique qui la guette dans les toutes prochaines années, rejette toute participation des islamistes au pouvoir dans cet Etat voisin. Le Caire, qui a décidé d’en découdre avec ses Frères musulmans, appuyés par Doha, freine toute initiative qui verrait la participation de cette mouvance au dialogue. Pays économiquement faible, l’Egypte s’appuie sur les richissimes Emirats arabes unis qui partagent avec le régime d’Al-Sissi leur haine pour la secte des Frères musulmans. Dans ce sens, le conflit libyen est l’incarnation sur le terrain d’une guerre larvée entre le Qatar et les Emirats arabes unis.
Quant au Maroc, son seul objectif consiste à saborder tout effort de paix en Libye pour peu qu’il vienne de son voisin de l’Ouest, à qui il tient rigueur pour sa position dans le dossier sahraoui. Ne partageant aucune frontière avec la Libye, le Maroc compte tirer profit du prolongement sans fin du chaos qui règne dans ce pays, dont l’instabilité pourrait affaiblir «l’ennemi» – l’Algérie –, croit-on dans l’entourage immédiat de Mohammed VI, et permettre ainsi au Makhzen de «régler son compte» à un Front Polisario qui serait lâché par Alger. Calcul machiavélique, mais surtout insensé et hasardeux, y compris pour la sécurité du Maroc lui-même.
La réunion des voisins de la Libye, qui se tient ce matin à Club des Pins, à Alger, a pour but de passer un autre message à Khalifa Haftar, qui refuse d’adhérer à la démarche inclusive de l’Algérie. Son entêtement à vouloir s’imposer en tant que nouveau maître absolu et incontestable de la Libye risque de se retourner contre lui, car ni l’Algérie ni l’Europe ne toléreront que cette guerre à nos frontières, pourvoyeuse de terrorisme et de flux migratoires incontrôlables, s’éternise.
Karim Bouali
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