Ils ont voté la confiscation de nos rêves
Par Youcef Benzatat – Le vote a eu lieu et nous avons consommé encore une fois la confiscation de nos rêves dans la douleur et la privation, et celui de notre pays dans la résignation et l’humiliation.
Comme pendant la campagne électorale, il y eu des blessés, des interpellations et le dispositif saccagé, où il y eut même des morts et des disparus retrouvés morts. Aux panneaux d’affichage détruits et détournés, ce fut quelques bureaux de vote qui subirent la colère des irréductibles, des voies d’acheminement des urnes bloquées et des militaires venus bourrer les urnes refoulées. Le fait est là, qu’ils soient manipulés ou spontanés, ceux qui ont participé étaient relativement disposés.
Comme pendant l’établissement des listes électorales, falsifiées, la désignation des candidats à la base de voix achetées, le dépouillement des urnes fut violé. Comme pendant les élections passées, les urnes furent permutées, la lumière des salles des opérations sabotée, puis la confusion de l’annonce du taux de participation de régner. A 17 h il y eu 33% disent les uns, 36% disent les autres. Tout compte fait, il n’y a pas de quoi se réjouir d’une telle faible participation.
Mais ils ont voté et cela les satisfait. Après tout, on n’est pas concerné ; l’Assemblée, c’est leur propriété et nous des indues calamités. Ils ont voté, et cela les rassurait. Ils ont voté et fait voter leurs serviteurs et leurs sujets. Leurs biens sont saufs, et ils peuvent espérer continuer à confisquer notre pays et nous malmener.
Ils étaient venus voter, sans la moindre connaissance des programmes, inexistants du reste, de leurs préférés. Les programmes ? Ils ne savaient même pas à quoi cela pouvait rimer ! Ils ont voté FLN ou RND, les mamelles nourricières de leurs illusions et chimères.
Le crâne en était bourré. Il fallait l’alléger pour retrouver la sérénité. Ils ont voté pour l’amitié, pour les affaires et par sentiments de familiarité. Avilis comme ils sont, cupides par vocation, il ne pouvait en être autrement.
Pourtant, ils n’étaient pas tous venus voter ; beaucoup sont venus glisser dans l’urne leur hostilité. Comme de coutume, il y eut des bulletins blancs, des bulletins mansotich et des bulletins surchargés d’humeurs, vomissant l’imposture et les tartuferies.
La vie peut reprendre comme à l’accoutumée. Nos élus députés peuvent siéger et lever la main à l’Assemblée, sans même lire le contenu des lois qu’ils doivent approuver. Ils ne sont même pas tenus d’y assister. L’abstention n’y a jamais été sanctionnée. Ni par leur parti ni par une quelconque autorité. Demain, ils iront vaquer à leurs affaires, et nous de sombrer dans la résignation, en attendant le prochain vote, la prochaine fraude et notre perpétuelle humiliation de citoyens de l’inaction.
Y. B.
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