Maroc : la traque des leaders rifains est lancée
Ayant échoué à faire plier le Rif par les intimidations et la répression, Mohammed VI a décidé de couper les têtes des principaux meneurs du mouvement de protestation qui secoue la région berbérophone depuis six longs mois. Le Makhzen veut surtout celle de Nasser Zefzafi, le leader de la contestation qui a empêché récemment Mohammed VI de se rendre la semaine dernière en Arabie Saoudite où avait eu lieu un sommet entre les pays arabes et les Etats-Unis et qui cause des nuits blanches au ministre marocain de l’Intérieur. Désormais, le moindre prétexte est bon pour coffrer les meneurs récalcitrants qui exigent le développement du Rif, une région qu’ils estiment marginalisée.
Nasser Zefzafi est ainsi officiellement recherché depuis ce matin par la justice marocaine. Raison invoquée ? Il est accusé d’avoir interrompu vendredi le prêche d’un imam dans une mosquée. Dans un communiqué, le procureur du roi a ordonné vendredi soir «l’ouverture d’une enquête et l’arrestation de Nasser Zefzafi» après que celui-ci ait fait «entrave, en compagnie d’un groupe d’individus, à la liberté du culte dans la mosquée Mohammed-V à Al-Hoceima». Le mandat d’arrêt de la justice est tombé au terme d’une journée qui a vu une tentative d’arrestation de M. Zefzafi, l’annonce erronée de son arrestation, puis des heurts avec les forces de l’ordre déployées à Al-Hoceima ayant fait plusieurs blessés.
Selon le procureur du roi, le leader du «hirak» (la mouvance) a empêché, lors de la prière du vendredi, «le prédicateur de poursuivre son prêche, prononçant un discours provocateur où il a insulté l’imam et semé des troubles qui ont attenté au calme et à la sacralité du lieu de culte». L’imam en question venait d’accuser «hirak» de semer la fitna entre les Marocains. L’incident a été filmé par téléphone portable et diffusé sur Facebook, des images sur lesquelles on voit M. Zefzafi s’en prendre avec véhémence à l’imam, qu’il traite de «menteur». «Est-ce que les mosquées sont faites pour Dieu ou le Makhzen (pouvoir) ?», s’écrie-t-il, avant de dénoncer «ceux qui veulent faire capituler le Rif et les étrangers qui viennent violer nos femmes».
Le ministre des Affaires islamiques, Ahmed Toufik, qui avait annoncé à tort son arrestation vendredi, a dénoncé «un acte sans précédent», un délit «grave». Des profils Facebook pro-contestation ont affirmé que la maison de Zefzafi avait été fouillée par la police. Nasser Zefzafi est intervenu peu après en direct sur les réseaux sociaux depuis le toit de sa maison à Al-Hoceima, entouré d’une foule de ses partisans. «Je n’ai pas peur. S’ils veulent m’arrêter, qu’ils viennent !», a-t-il lancé. Dans une autre vidéo, publiée peu après, il a dit être «sain et sauf» et a appelé à des manifestations pacifiques. A mentionner que la ville d’Al-Hoceima est quadrillée par l’armée depuis plusieurs jours.
Sadek Sahraoui
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