Poursuite des manifestations au Maroc : fort soutien au Rif
L’élan de solidarité avec le mouvement du Rif ne cesse de s’élargir tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, soutenant le juste combat des populations de cette région oubliée par le pouvoir central en matière de développement et de prise en charge des droits fondamentaux.
Le mouvement de contestation pacifique s’était amplifié après la mort dramatique, en octobre 2016, du jeune poissonnier d’Al-Hoceïma, Mohcine Fikri, écrasé par le presse hydraulique d’un camion-benne en tentant de sauver sa marchandise saisie par la police. Depuis ce drame, le Hirak du Rif marocain prend de l’ampleur et suscite soutien et sympathie. S’y sont joints les représentants locaux des principales formations politiques qui demandent «la libération inconditionnelle de toutes les personnes arrêtées et la satisfaction des revendications légitimes exprimées par les populations».
Une campagne de répression et d’arrestations sans précédent a été menée par les services marocains de sécurité qui ont interpellé une quarantaine de manifestants dont le citoyen leader d’opinion Nasser Zefzafi, présenté comme un «malfaiteur» sur fond d’embargo médiatique imposé à la région du Rif où «la répression et les actions punitives» se poursuivent à huis clos.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et des acteurs de la société civile se sont mobilisés en faveur du mouvement Hirak et ont appelé à la libération des détenus, dont deux cousins du défunt Mohcine Fikri. En outre, de nombreux intellectuels et militants se sont exprimés en faveur de la «satisfaction des revendications légitimes des habitants du Rif». Ils invoquent, dans un communiqué, la «nécessité de trouver des solutions radicales aux questions soulevées par les manifestants». Les signataires – dont le président de l’Organisation marocaine des droits de l’homme, Boubkeur Largo – estiment que la plateforme revendicative est «légitime et réalisable s’il y a une réelle volonté de dialogue sérieux et responsable». Dans ce sens, ils listent sept conditions impératives à la réussite de ce dialogue, notamment celle de «reconnaître la légitimité des revendications sociales, économiques et culturelles de l’une de nos régions», «rompre avec toutes les accusations de trahison adressées au mouvement revendicatif».
En outre, plus de 600 avocats ont affirmé leur engagement à soutenir les détenus du mouvement Hirak Rif. «La liste préliminaire compte plus de 600 avocats à l’échelle nationale, dont 200 jeunes avocats», a déclaré Rachid Belali, coordinateur local pour la défense des détenus d’Al-Hoceïma.
En Europe, l’actualité du Rif, a été marquée par l’expression d’importants soutiens au mouvement citoyen d’Al-Hoceïma par une douzaine de comités de Marocains d’Europe et de coordinations européennes. En Espagne, le Comité de soutien aux populations du Rif en Catalogne a adressé une lettre à Carles Pulgdemont, chef du gouvernement catalan, dans laquelle ils portent à sa connaissance et l’opinion public espagnole «leurs inquiétudes quant à la situation ‘inquiétante’ des droits de l’homme dans le Rif».
La mobilisation de la rue en faveur des militants et des sympathisants du Hirak se poursuit. Des rassemblements importants sont prévus à Madrid, Lille (France) et Bruxelles. Le mois dernier, une réunion tenue à Bruxelles, à la demande du comité de suivi de l’affaire Mohcine Fikri, a rassemblé des collectifs venus de France, d’Espagne, de Belgique, d’Allemagne, des Pays-Bas et de Norvège pour exprimer leur «soutien total et inconditionnel au mouvement citoyen rifain. Ils demandent également «la fin de l’intimidation des militants et la fin des poursuites» ainsi que l’octroi de «l’autorisation de rassemblement et de manifester».
Rassemblements et sit-in de soutien au Hirak dans plusieurs villes marocaines
Depuis vendredi, Al-Hoceïma est en ébullition. Des heurts nocturnes ont opposé manifestants et policiers. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté mardi soir pour demander la libération de Nasser Zefzafi. Près de 3 000 manifestants ont défilé dans les rues de la ville, réclamant la libération du leader du Hirak et d’autres militants faisant l’objet d’une enquête pour «atteinte à la sûreté de l’Etat».
Les manifestants ont également réclamé «liberté, dignité et justice sociale» ou «Halte à la militarisation. D’autres manifestations ont été organisées dans la région, plus précisément à Nador et dans les villes d’Atroukoute et Imzouren où une marche s’est déroulée.
Outre Al-Hoceïma et les villes de la région, plusieurs rassemblements de solidarité ont eu lieu à Marrakech, Fès et Oujda et dans plus de cinquante villes et localités à travers le Maroc.
A Casablanca et Rabat, les manifestants n’ont pas pu observer de sit-in ; la foule a été dispersée devant le Parlement à Rabat, où se trouvait quelque 200 personnes, selon les médias locaux. Les manifestants ont à peine eu le temps de prononcer quelques slogans avant une charge des forces de l’ordre. Ils ont par la suite tenté de se regrouper près de la gare, mais ont de nouveau été dispersés.
A l’appel du mouvement Anfass, un rassemblement était prévu également à Casablanca devant une brigade de police où se trouvent des détenus du mouvement Hirak. De nombreux policiers en civil dispersant rapidement les manifestants avant qu’ils ne puissent se regrouper.
Par ailleurs, plusieurs médias ont souligné que Nasser Zefzafi «a réussi là où les partis dans leur ensemble, de gauche, de droite et de centre, ont échoué. Il a rassemblé des marocains autour de lui pour revendiquer à haute voix des droits fondamentaux.» A lui seul, il a mis à nu le manque de volonté de l’Etat et de ses partis satellites de dialoguer avec la population. Mais, surtout, il a levé le voile sur l’incapacité de l’Etat de fournir les moindres services aux citoyens, tels un hôpital et une université.
En échange, le Makhzen avance l’approche musclée. Le peu de moyens qu’il a, est consacré à payer les dettes extérieures et à acheter du soutien dans la question du Sahara Occidental occupé», a-t-on soutenu.
R. I.
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