Crise du Golfe : les pressions «amicales» de Riyad sur l’Algérie
Tout en se disant comprendre la position de neutralité adoptée par l’Algérie à l’égard de la crise du Golfe, l’ambassadeur d’Arabie Saoudite à Alger, Sami ben Abdallah Salah, a néanmoins invité de manière sibylline les autorités algériennes à respecter l’embargo décrété contre le Qatar par son pays avec trois autres de ses alliés régionaux dans la mesure où, a-t-il dit, il contribue à combattre le terrorisme et isoler les terroristes. Une lutte, reconnaît-il, dans laquelle l’Algérie s’est distinguée et est devenue une référence. «Le respect de l’embargo contre le Qatar revient en quelque sorte à participer à la lutte contre le terrorisme», a indiqué Sami ben Abdallah Salah, dont les propos même dits sur un ton amical ne sont pas moins une forme de pression.
Dans un entretien publié ce matin par le quotidien arabophone Echourouk, le diplomate saoudien assure que «Riyad n’a absolument rien contre le Qatar et son peuple» et que les mesures prises contre ce pays ne sont pas du tout dictées par Washington, contrairement à ce que certains pensent. «Nous avons seulement un problème avec le terrorisme, ses soutiens et ses bailleurs de fonds», a-t-il insisté. Dans son analyse de la crise du Golfe, Sami ben Abdallah Salah a cependant volontiers comparé le Qatar à «un enfant qui ne connaît pas la valeur et la dangerosité des «jouets» dont il dispose (la chaîne de télévision Al-Jazeera, le flirt avec l’Iran, l’instrumentalisation de l’islamisme politique et des moyens financiers colossaux, ndlr)».
Aussi, a-t-il estimé impérieux de protéger ce pays contre lui-même et contre les autres avant que ses dirigeants ne commettent l’irréparable. «Notre actions consiste simplement à essayer de supprimer les outils du Qatar pour le protéger, nous protéger et protéger la région dans son ensemble», a insisté l’ambassadeur de l’Arabie Saoudite à Alger. Il a, par ailleurs, reproché à ce «petit pays» qui essaye d’occuper une place au milieu d’adultes, de chercher à crier plus fort que tout le monde pour donner l’impression qu’il a d’importants pouvoirs et qu’il est, par conséquent, capable de jouer un grand rôle au niveau régional. Au passage, il a rappelé le rôle joué par le Qatar dans la déstabilisation de la Tunisie, de la Libye et de l’Egypte en 2011.
Sami ben Abdallah Salah a tenu, par ailleurs, à souligner que le problème (avec le Qatar) ne date d’aujourd’hui, mais qu’il remonte à 1996. Des problèmes, a-t-il poursuivi, que l’ancien prince était invité à solutionner. A ce propos, le diplomate saoudien a regretté que l’actuel émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, n’a pas tenu son engagement de 2014, consistant à mettre fin au jeu trouble de son pays. Bien au contraire, a-t-il martelé, «le Qatar a continué à ignorer tout le monde, à déstabiliser la région, à menacer notre sécurité et à faire cavalier seul». Aussi, le diplomate saoudien a averti que «les sanctions contre le Qatar seront renforcées dans le cas où ses dirigeants refuseraient de changer de cap».
Evoquant les relations bilatérales, l’ambassadeur d’Arabie Saoudite à Alger a indiqué que les relations algéro-saoudiennes ont connu un grand développement, ces dernières années, et que les deux pays ont une vision identique en matière de coopération économique. Une coopération, a-t-il dit, qui reste cependant en deçà des attentes, comme en témoigne le volume des échanges commerciaux entre les deux pays, qui s’élève à peine à 600 millions de dollars. M. Salah a soutenu que l’Arabie Saoudite était prête à investir de nombreux domaines et à travailler autant avec les entreprises privées que publiques, pour peu que les conditions s’y prêtent. Il a indiqué qu’il était important pour attirer les investissements, d’améliorer le climat des affaires. A ce sujet, il a estimé que le moment était venu de revoir la règle 51/49 pour les secteurs non stratégiques.
Sadek Sahraoui
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