Ouyahia brille dans le double cumul du mercenariat
Par Youcef Benzatat – Après avoir profané les martyrs de la glorieuse Révolution du 1er Novembre en ayant détourné l’idéal pour lequel ils ont sacrifié leur vie – celui d’avoir voulu restituer l’Algérie à son peuple, confisquée au tournant de l’indépendance par un pouvoir de prédateurs – et inoculé au peuple le virus de la corruption et de l’immoralité sous toutes ses formes, voilà que ce même pouvoir voudrait détruire à présent une de ses vertus essentielles : l’hospitalité.
La déclaration d’Ahmed Ouyahia, l’un des membres du sérail de ce pouvoir, chef de cabinet de la présidence de la République, ancien chef de gouvernement et président du principal parti au pouvoir, le RND, à l’encontre des étrangers africains se trouvant sur le territoire national, les traitant d’indésirables et de responsables de tous les maux de la société, violence, drogue, viols et autres clichés qui servent de campagnes haineuses aux partis d’extrême droite européens contre les étrangers africains et orientaux généralement, va à contrecourant d’une tradition millénaire algérienne dont le peuple s’enorgueillit et en tire toute sa fierté : l’accueil et l’assistance aux déshérités, à tous ceux qui sont en détresse et qui se manifestent dans une demande d’hospitalité.
La volonté de destruction de cette valeur fondamentale au peuple algérien n’est pas anodine et traduit une stratégie sournoise du pouvoir, celle de vouloir détruire en lui toute disposition à la fraternité, à la camaraderie et à tout ce qui peut constituer une dynamique de solidarité. Car, en effet, cet esprit de solidarité se présente comme un danger potentiel et une menace certaine contre sa domination de la société. C’est à partir de cette dynamique de solidarité nationale que pourront effectivement émerger un contrepouvoir et un leadership capables de lui contester la domination de la société.
Après avoir réussi à diviser le peuple en deux groupes antagoniques, dont l’antagonisme se transforme de jour en jour, dangereusement, en un potentiel affrontement avec son lot de violence, de haine et d’animosité, d’un côté le mouvement identitaire berbériste et, de l’autre, le mouvement intégriste islamiste, le voilà à présent à s’attaquer aux valeurs fondamentales et communes à tout le peuple.
Ce pouvoir n’envisage aucunement à restituer la souveraineté au peuple ni son État et ses institutions. Il est mu en un système de places et non de personnes qui pourra se reproduire indéfiniment et perdurer tant qu’un contrepouvoir ne viendra pas le renverser. C’est pour cette raison qu’il combat toute potentialité qui viendrait constituer ce contrepouvoir, dont l’esprit de l’hospitalité et de la solidarité se présentent comme le plus éminent danger qui pourrait venir le constituer. Alors, il se voit contraint de détruire tout ce qui peut y mener.
Il est certes évident pour tout homme politique de se préoccuper de la présence d’étrangers démunis et en nombre sur son territoire. Ouyahia semble a priori répondre à cette injonction par ses propos étrangers à nos traditions, contre les étrangers errant sur notre territoire. Mais en vérité, ni lui ni le pouvoir qu’il représente n’ont que faire de cette préoccupation. Car une grande partie de la population algérienne se trouve déjà, dans une moindre mesure, dans la même situation que ces étrangers et pour laquelle rien n’est entrepris pour y remédier, excepté le fait que ces migrants n’ont pas de domicile fixe. Leurs caractéristiques communes se confondent et se mesurent en manque d’instruction, de travail, de prise en charge sanitaire, de perspectives d’avenir décent généralement et surtout leur désir commun de rejoindre la rive nord de la Méditerranée où ils espèrent combler tous ces manques.
C’est avec cynisme et sournoiserie qu’Ahmed Ouyahia s’est attaqué à ce problème. En s’y attaquant de la sorte, il s’est attaqué au fondement même du principe de la Révolution de Novembre, celui de la solidarité avec les peuples privés de leur souveraineté. Car ces étrangers errant sur notre territoire sont des victimes d’un processus de dépouillement des peuples du Sud de tout ce qu’ils possèdent et de tout ce qu’ils sont. Un processus qui a commencé il y a cinq cents ans déjà, depuis l’époque des découvertes, de l’esclavage, la colonisation, la néocolonisation et aujourd’hui la globalisation. Un processus qui empêche les peuples du Sud de s’émanciper politiquement, économiquement, culturellement et socialement pour pouvoir s’emparer de leurs richesses. En s’ingérant dans leur mode de gouvernance et en y plaçant des mercenaires à leur solde pour empêcher que des pouvoirs légitimes n’émergent et ne revendiquent une véritable souveraineté. Tous ceux qui s’y sont essayé se sont fait assassiner. La liste est seulement surréaliste, à commencer par Patrice Lumumba, Thomas Sankara et Laurent Gbagbo, séquestré aujourd’hui au TPI pour l’empêcher de continuer à lutter pour la souveraineté de son peuple, pour ne citer que ceux-là. C’est ce système de domination qui est la véritable cause de la présence de ces malheureux Africains, qui errent dans la détresse totale sur notre sol, qu’il faudra combattre et à qui il faut attribuer tous les maux.
S’attaquer à ce problème comme le fait Ahmed Ouyahia, avec tous les clichés, tellement éculés, développés dans les pays du Nord, ceux-là mêmes qui mènent sans scrupule cette barbarie contre les peuples du Sud, ce n’est non pas seulement violer le principe fondamental de la Révolution de Novembre et profaner les idéaux pour lesquels nos martyrs ont sacrifié leur vie, mais se vendre en mercenaire à ces ennemis de l’humanité et de sa prospérité. Car derrière ce parti-pris se laisse entrevoir la volonté de s’attirer la sympathie de ces bourreaux de nos «réfugiés» afin de gagner leur neutralité et leur silence complice envers la confiscation de la souveraineté de notre propre peuple et le pillage commun de nos richesses. Cet acte politique odieux de la part d’un grand responsable algérien, qui s’apparente à une forme d’allégeance de mercenaire, est une traîtrise de plus caractérisée par la volonté de satisfaire une demande émanant de ces pays du Nord, qui consiste à assécher les routes de la mort qui mènent ces Africains errants sur leur territoire.
Il serait plus digne de reprendre le flambeau des idéaux de Novembre en restituant en premier lieu la souveraineté au peuple algérien, en lui restituant son Etat et ses institutions pour permettre l’engagement de notre pays à s’investir dans la restitution de la souveraineté des peuples africains. En chassant les mercenaires qui sous-traitent la domination des pays du Nord sur leur propre pays et construire ensemble une unité africaine capable d’enrayer toute possibilité de reflux. C’est la seule voie possible pour stopper cette hémorragie de la misère humaine de l’Afrique vers les lieux où leurs richesses pillées ont été concentrées. Toute autre tentative n’est qu’imposture, démagogie et mercenariat.
Y. B.
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