Contribution – Simone Veil : un faucon sous le masque de colombe
Par Youcef Benzatat – Après la Seconde Guerre mondiale, où elle fut épargnée après sa déportation à Auschwitz, Simone Veil s’engage dans une carrière de magistrate en France pour ensuite finir dans une carrière politique prolifique, qui la consacrera plusieurs fois ministre, présidente du Parlement européen et, enfin, elle finit sa carrière au Conseil constitutionnel de 1998 à 2007 où elle prendra définitivement sa retraite.
On retient d’elle, en tant que militante pour les droits des femmes, l’adoption en 1975 de la loi qui porte son nom, qui dépénalise l’interruption volontaire de grossesse. C’est à ce moment que le mythe Simone Veil est né. Alimenté par cette image d’une fragile colombe, rescapée miraculeusement des camps de la mort nazis et courageuse militante pour les droits des femmes, allant jusqu’à imposer à une assemblée d’hommes, dont la majorité sont des conservateurs, cette loi antipénalisation de l’IVG.
Cette image publique et surmédiatisée sera élevée à la limite de la canonisation où il est inimaginable de lui trouver quoi que ce soit à lui reprocher. Mais derrière le masque de cette fragile colombe se dissimule en vérité un véritable faucon, agissant dans un premier temps au profit de la stratégie de De Gaule dans sa gestion de la fin de la guerre d’Algérie, à partir de 1959, pour ensuite se retourner vers un soutien permanent à Israël et au sionisme dans son entreprise colonialiste de la Palestine.
C’est en rejoignant en 1959 le gouvernement du général de Gaulle, sous les ordres du ministre de la Justice, Edmond Michelet, nommé à la même date, dans la fonction de directrice de l’administration pénitentiaire de ce ministère qu’elle va jouer son premier rôle de faucon dans une mission insoupçonnée au profit du projet de dénouement de la guerre d’Algérie voulu par De Gaule. Elle fut chargée à cette occasion de gérer la relation avec les prisonniers FLN détenus aussi bien en France que sur le sol algérien pour conforter la stratégie de De Gaule dans des négociations avec une partie algérienne qu’il voulait rallier à sa cause.
A cette date, De Gaule était convaincu que rien ne serait plus comme avant dans la façon dont la colonisation de l’Algérie était menée jusque-là. Tout en projetant de garder l’Algérie française, il prévoyait des concessions hautement significatives, qui pourraient rallier à sa cause la partie modérée du FLN/ALN et éradiquer les plus radicaux parmi les indépendantistes. Il opta dès lors pour une stratégie dans laquelle il soufflait le chaud et le froid. La guerre s’intensifia sur le terrain, et du napalm fut même utilisé pour déloger les combattants de la Révolution, qui sont encore terrés dans les maquis. En parallèle, il va doter les SAS d’un décret, le 2 septembre 1959, pour renforcer leur mission psychologique de masse et espérer rallier les populations civiles à sa stratégie.
En même temps, il engagea des négociations tous azimuts pour rallier le plus grand nombre parmi les membres du FLN à sa cause. C’est à ce moment-là que Simone Veil entre en action et se porte volontaire à souffler le chaud sur les prisonniers FLN détenus dans les prisons françaises et algériennes, en assouplissant leurs conditions de détention. Elle va jusqu’à suspendre des exécutions de condamnés à mort. Elle sera soutenue publiquement, via les relais médiatiques, par son ministre de tutelle qui participe de la même stratégie à ses côtés contre le Premier ministre, Michel Debré, pour mettre une pression supplémentaire sur les détenus FLN, pour ne pas leur donner l’impression d’une quelconque abdication des autorités françaises face à la Révolution.
Après 1962, l’image de la colombe n’en sort que renforcée par cette épreuve, y compris chez les anciens détenus du FLN qui sont restés figés à l’image reflétée par le masque de la colombe. Vénérée à ce jour en tant qu’amie de l’Algérie et assimilée aux véritables militants pour l’indépendance de l’Algérie, tels que Jean-Paul Sartre, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Jacques Servan Schreiber, Françoise Giroud, Jean Daniel, Michel Rocard, Laurent Schwartz «et tant d’autres militants anticolonialistes français qui rejoignaient la lutte pour l’indépendance et la liberté du peuple algérien». Dire cela aujourd’hui, c’est dire la vérité devant l’histoire, sans concession aucune, afin que la dignité du peuple algérien soit préservée intégralement devant cette page douloureuse de son histoire.
La guerre d’Algérie terminée, elle endosse sitôt l’autre masque de faucon israélien, pour un soutien permanent au sionisme dans son entreprise colonialiste de la Palestine. Une information publiée sur le site Internet de la Chambre de commerce France Israël (CCFI) indique qu’un accord secret a été signé entre la France et l’Etat sioniste d’Israël qui avait pour objectif de donner des organes de citoyens français à des malades israéliens. Un accord incompréhensible, sachant que pour recevoir un organe en France il faut patienter de longues années sur des listes d’attente interminables. Si cet accord a été tenu secret, c’est certainement pour son caractère scandaleux. C’est lors de son passage au ministère de la Santé, après la guerre israélo-arabe de 1973, qu’elle avait signé cet accord franco-israélien de dons d’organes, au moment où Israël manquait cruellement de donneurs. Cet accord qui fut appliqué avec une très grande discrétion aura permis à de nombreux Israéliens de rester en vie au détriment de citoyens français qui n’ont pas pu survivre du fait de la liste d’attente qui était exagérément longue.
Plus proche de nous fut cette déclaration insidieuse à l’ONU, le 29 janvier 2007, dans laquelle elle reprend à son compte toute la stratégie de victimisation de l’Etat colonialiste d’Israël lorsqu’il s’adresse à la communauté internationale : «La création d’un Etat palestinien aux côtés d’un Etat d’Israël, chacun vivant en paix dans ses frontières, au terme d’une négociation, devrait mettre fin aux campagnes menées contre l’existence d’Israël.» Cette déclaration se veut un écho à celles de Benjamin Netanyahu et de tous ceux qui l’ont précédé pour justifier les violences quotidiennes contre la population civile palestinienne dont les bombardements au phosphore, les assassinats arbitraires d’enfants au quotidien et l’extension illimitée de la colonisation des terres palestiniennes dont elle ne dit mot. Il s’agit pour elle de «mettre fin aux campagnes menées contre l’existence d’Israël» et non de celles menées contre la Palestine, y compris par les monarchies arabes elles-mêmes, qui ont définitivement abandonné la question palestinienne ! Quant aux frontières, elle ne donne aucune précision sur leur tracé, ce qui nous renseigne sur sa conception des négociations qu’elle appelle de ses vœux où il est hors de question de revenir aux frontières de 1967 et Jérusalem capitale de la Palestine.
C’est tout simplement la rhétorique sioniste qui inonde les médias complices pour justifier le projet sioniste du grand Israël dans lequel la Palestine en tant qu’Etat souverain doit disparaître. Une rhétorique qui doit qualifier tout discours critique envers la colonisation de la Palestine comme un discours antisémite, récemment adopté par le Parlement européen dont elle garde toujours des attaches depuis son passage en 1979 en tant que présidente de cette institution.
C’est cette même rhétorique qui est déployée par les médias complices des colonialistes israéliens et qui est reprise telle quelle par Simone Veil. En réalité, de qui Israël a-t-il vraiment peur ? Qui peut le menacer concrètement ? Alors que ses soutiens militaires sont les maîtres du monde ! D’abord, l’OTAN et, surtout, les Etats-Unis ! Que peut le Hezbollah ou le Hamas ou même l’Iran devant une puissance nucléaire qui est soutenue par les armées les plus puissantes du monde ? Simone Veil n’a jamais soutenu, ni même évoqué dans ses déclarations ces juifs israéliens, véritablement et sincèrement anticolonialistes, qui manifestent à longueur d’année à Tel-Aviv ou à New York York, ces authentiques juifs qui vivaient côte à côte avec les Palestiniens depuis des millénaires et qui veulent réellement un Etat pour les Palestiniens ! L’un d’entre eux, le plus grand musicien contemporain, ce grand M. Daniel Barenboïm, initiateur du rêve israélo-arabe, fut jeté brutalement de la tribune où il prononçait un discours critique du sionisme, à l’occasion d’une invitation à Israël pour recevoir un prix de consécration, croyant l’attirer vers leur idéologie colonialiste comme ils ont réussi à le faire avec Simone Veil et beaucoup d’autres, y compris des Algériens comme Boualem Sansal, Ferhat Mehenni, Merzak Allouache, etc., parmi lesquels des contributeurs à la propagande de l’image de colombe du faucon Simone Veil.
Y. B.
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