Affaire Haddad : ce que Tebboune aurait dit à des membres du FCE
Le bras de fer qui oppose depuis quelques jours le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, et le président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), Ali Haddad, prend une tournure inattendue. A en croire le quotidien Liberté, Abdelmadjid Tebboune reproche au magnat algérien un projet politique avec l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal.
Ce bras de fer prend des allures de «feuilleton politico-judiciaire qui impliquerait, outre son président, d’autres membres du FCE ainsi que des membres du gouvernement sortant», écrit le quotidien national dans un article intitulé «Des enquêtes accablantes contre Haddad et des membres du FCE : les confidences de Tebboune». La même source révèle que le Premier ministre a reçu une douzaine d’hommes d’affaires membres du FCE, à leur demande. Il aurait fait savoir à ses hôtes que «ce dont ils se préoccupent – à savoir cette rupture de confiance entre lui et Haddad – n’est pas l’expression d’une animosité personnelle». Le Premier ministre leur a répété qu’il ne fait qu’«exécuter une feuille de route tracée et dictée par le président de la République», les informant qu’à cet effet, «une réunion a eu lieu le 14 juin dernier», écrit Liberté. Le journal ajoute que «des enquêtes bien ficelées établissent l’ampleur des dégâts occasionnés à l’économie nationale par ceux que Tebboune désigne par “la bande”. Mais pas que. Les mêmes enquêtes font ressortir (…) que la “bande” était dans un projet politique autour d’Abdelmalek Sellal, l’ex-Premier ministre, débarqué avec une bonne partie de son Exécutif lors du remaniement post-élections législatives».
Liberté fait une autre révélation à propos des crédits d’investissement octroyés à l’ETRHB Haddad par les banques publiques : «Les enquêtes diligentées ont établi que les remboursements sur les crédits sur 5 ans ne dépassent pas les 10%.»
Parmi les révélations faites par Tebboune aux opérateurs du FCE qui s’inquiétaient de la situation, il est question d’achat de biens à l’étranger par des opérateurs en contournant les lois algériennes en vigueur.
Pour rappel, Haddad a acquis en 2016 deux grands hôtels de luxe à Barcelone (Espagne) : le Gran Hotel La Florida et le Miramar Barcelona. Haddad est déjà propriétaire de l’Hotel Palace de Barcelone racheté en 2011. Il possède également deux hôtels en Algérie, Le Marin et Le Marin Bis à Azeffoun (Kabylie maritime). Par ailleurs, le site du journal Le Monde le cite dans l’affaire Panama Papers. Selon le journal, l’homme d’affaires algérien apparaît comme le bénéficiaire économique d’une compagnie enregistrée par Mossack Fonseca en novembre 2004 aux îles Vierges britanniques, Kingston Overseas Group Corporation (KOGC).
De son côté, le quotidien Le Soir d’Algérie a écrit hier – sous le titre «Il devrait répondre aujourd’hui aux mises en demeure du gouvernement : Ali Haddad à l’heure des comptes» – que l’homme d’affaires, déjà mis en demeure sur les retards occasionnés par ses entreprises sur nombre de chantiers d’infrastructures publiques, doit s’attendre à de nouvelles mises en demeure.
Pis encore, le journal révèle que le véritable enjeu dans cette affaire Tebboune-Haddad est autre : «Certaines informations font déjà état de l’annulation pure et simple d’un projet de construction mené et financé par des entreprises étrangères et dans lequel ce dernier apparaît jouer uniquement un rôle de sous-traitant.» Mieux encore : «Les mêmes sources affirment que le gouvernement épluche actuellement tous les contrats passés avec le groupe ETRHB et qu’il pourrait lui adresser de nouvelles mises en demeure pour des projets inachevés dans l’hydraulique.»
Dans l’hydraulique toujours, le microcosme politique algérois savait que le magnat algérien était un faiseur de responsables et avait le bras long dans ce secteur où il avait réussi à placer son homme, Abdenour Aït-Mansour, en janvier 2014. Le résultat ne s’est pas fait attendre puisque le chiffre d’affaires de l’ETRHB dans les chantiers d’hydraulique (adduction en eau potable, construction d’infrastructures hydrauliques) a explosé.
Haddad ne réalise souvent pas directement ses marchés qu’il obtient avec facilité, mais les sous-traite à des entreprises sous-qualifiées et prend sa marge, tandis que les travaux sont exécutés souvent loin des normes établies.
La Fomento Construccion Contrats (FCC), une entreprise espagnole, était associée à l’ETRHB d’Ali Haddad, le patron du FCE. La société espagnole a fini par quitter l’Algérie en 2015, laissant derrière elle deux projets cumulant 1,6 milliard de dollars. Le premier (construction d’une ligne en rail électrifié reliant Tlemcen à Oran) d’un coût de 1,232 milliard de dollars et 359 millions de dollars pour la construction du stade de Tizi-Ouzou. Ces deux contrats décrochés, le groupe espagnol, en partenariat avec l’ETRHB, essuyait deux échecs consécutifs dans l’octroi de deux projets importants, la Grande mosquée d’Alger et la future cité financière de la capitale. FCC a perdu ses contrats à cause des énormes retards enregistrés. Le plus retentissant étant celui du stade de 50 000 places de Tizi-Ouzou laissé en état de chantier en août 2014.
Ramdane Yacine
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