Le roi Mohammed VI sacrifie ses fonctionnaires pour sauver sa peau
Le Maroc va très mal. Ce ne sont pas les activistes marocains – que le Makhzen accuse systématiquement d’être téléguidés d’Alger – qui le disent, mais Mohammed VI lui-même.
Dans son discours, hier, à l’occasion de la Fête du trône, le roi a avoué que la situation dans son royaume est catastrophique. Ce ne sont pas des paroles en l’air. Cet aveu exprime, comme il tient à le souligner et en pesant ses mots, dit-il, «le fruit d’une profonde méditation». Mohammed VI est contraint de reconnaître que la situation est devenue intenable. Son discours trahit une peur panique du régime monarchique.
Le Makhzen développe une propagande délirante sur un «modèle resté, en grande partie, lettre morte» (selon les termes utilisés par le roi) pour tromper les partenaires internationaux du Maroc et les esprits les plus crédules chez ses voisins, notamment en Algérie, pour gagner une crédibilité douteuse auprès d’eux, mais, dans la réalité, ne fait rien pour le développement humain et l’amélioration des conditions de vie des gens, admet le roi. Il s’en prend à la classe politique sur laquelle il tire à boulets rouges et accuse les fonctionnaires d’être des parasites. Mais il ménage ses amis du monde des affaires qui participent, avec la famille royale, au pillage des richesses du Maroc au détriment du peuple marocain plongé dans une misère atroce, exclu en matière de «prestations sanitaires, éducatives et culturelles, ainsi qu’en opportunités d’emploi».
L’apparence musclée du discours à l’adresse des fonctionnaires du roi, sert, de toute évidence, une démarche démagogique visant à détourner la colère populaire vers des «fusibles» pour protéger les véritables responsables de sa situation de misère. Le roi évoque furtivement le gouvernement, mais son insistance sur l’Administration dépourvue des «meilleurs cadres» et les partis politiques qui n’attirent pas les «élites les plus qualifiées pour la gestion des affaires publiques», dans une ambiance qui souffre du manque «d’un esprit de responsabilité et d’engagement civique», c’est tout l’Exécutif qu’il livre à la vindicte du peuple.
Mohammed VI admet implicitement que son «bilan est décevant». Il parle d’un «fossé» qui sépare le peuple et ses préoccupations des instances que sont «le gouvernement et les ministres, les walis et les gouverneurs». Pour lui, «cette situation ne peut perdurer». Il parle de «trahison» en laissant croire que le sous-développement qui accable le Maroc serait dû au comportement de responsables qui sont poussés par des calculs politiques ou personnels, et qui arrêtent ou retardent les projets, en allusion certainement aux manifestations populaires qui secouent depuis une dizaine de mois la région du Rif et particulièrement la ville d’El Hoceima et ses environs.
Le roi sait pertinemment que le Hirak a pour cibles les responsables de la corruption qui règne au Maroc et de la marginalisation de toute une région, et ces responsables ne peuvent être réduits à des fonctionnaires ou des politiciens, mais recouvrent tout le système qui régit le royaume. La preuve est donnée par la répression policière dont la mission est de protéger ce système et les privilèges qu’il produits.
Que va faire Mohammed VI maintenant ? Limoger le Premier ministre ? C’est l’éventualité la plus probable. Mais les problèmes de fond ne seront pas réglés pour autant.
Houari Achouri
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