L’avocat de Zefzafi au gouvernement marocain : «Montrez-nous vos preuves»
Dans un entretien accordé le 1er août à l’hebdomadaire Jeune Afrique, Mohamed Ziane, l’avocat du leader de la contestation du Rif Nasser Zefzafi, a estimé qu’en accordant sa grâce à ces jeunes du Hirak injustement incarcérés dans les geôles du Makhzen, «le roi met fin aux accusations de séparatisme qui les ont injustement visés». «On avait reproché à la jeune Sylia d’avoir chanté la majesté du peuple et non celle du roi. C’est inique. En la graciant, le roi a aussi en quelque sorte mis en doute les déclarations du gouvernement, qui avait qualifié les contestations d’Al Hoceïma de séparatisme et de sédition».
Mohamed Ziane soutient par ailleurs cette grâce royale «est un acte politique d’apaisement». «J’avais espéré que le gouvernement aille à Al Hoceïma et discute face-à-face avec les jeunes manifestants. Mais le problème c’est qu’il estime qu’ils ne sont pas représentatifs, il ne veut parler qu’avec les élus. En même temps, dans son dernier discours du trône, le roi a affirmé que la classe politique était incompétente. Pour ne rien vous cacher, on ne sait plus à quel saint se vouer», regrette cependant l’avocat de Nasser Zefzafi.
A la question de savoir pourquoi le noyau dur du Hirak détenu à Casablanca n’a pas bénéficié de cette grâce, Mohamed Ziane a indiqué qu’ils étaient «poursuivis pour des faits plus lourds», estimant néanmoins que «l’initiative royale est un bon début». A l’occasion, il a fait savoir que la troisième comparution de Nasser Zefzafi devant le juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca, initialement prévue pour le 1er août, a été reportée. M. Ziane a expliqué que «cette séance devait être consacrée à la confrontation des preuves collectées par le parquet général». «Je m’attendais donc à visionner des vidéos, à voir des photos et tout ce qui, du point de vue du parquet, prouverait les accusations de financement étrangers qui pèsent sur mon client. Mais la séance a été ajournée sans fixation de date», a-t-il indiqué.
S’agissant de charges qui pèsent sur son client et sur les autres sympathisants du Hirak encore en prison, Mohamed Ziane demande au gouvernement d’étaler les preuves qu’il dit détenir contre eux car pour le moment, précise-t-il, il dit n’avoir encore «rien vu». A propos du nombre exact de détenus du Hirak graciés par le roi, Mohamed Ziane indique que selon les données que lui a communiquées le ministère de la Justice, il s’agit de 41 personnes en tout. Il mentionne cependant qu’il prend cette information avec réserve, dans l’attente de la publication d’une liste officielle. «Jusqu’à aujourd’hui, le réseau des avocats qui défendent les détenus du Hirak n’a pu recenser que 17 personnes (sur 176 incarcérations, ndlr) qui étaient en prison et qui sont effectivement rentrées chez elles».
Maître Ziane ajoute que selon le ministère de la Justice, la grâce royale a également concerné des personnes en état de liberté, ce qui expliquerait la différence entre le recensement des avocats et le chiffre des 41 personnes graciées avancé par les autorités.
Sadek Sahraoui
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