Le prédicateur saoudien Al-Barrak : «Le wahhabisme est une doctrine ibadite»
Par R. Mahmoudi – Le prédicateur et membre de la puissante Ligue des oulémas saoudiens, Mohammad Al-Barak, vient de jeter un pavé dans la mare à travers une série de tweets (mode de communication privilégié chez les prédicateurs salafistes), en écrivant que le wahhabisme est historiquement «une doctrine ibadite, donc forcément kharidjite».
Il explique que ce qui est connu dans l’histoire sous le nom de «wahhâbiya» n’a rien à voir avec Mohammad Ben Abdelwahhab (1703-1792), le fondateur de la célère confrérie saoudienne qui s’est alliée avec Mohammad Ibn Saoud pour créer le royaume d’Arabie Saoudite, et dont la doctrine, rigoriste et se définissant comme salafiste, inspire l’idéologie officielle à ce jour.
Selon le prédicateur, cette terminologie, devenue péjorative depuis l’apparition des mouvements salafistes influencés ou financés par l’Arabie Saoudite, serait le résultat d’une confusion savamment entretenue, certainement par les détracteurs du wahhabisme saoudien, pour ternir l’image de la doctrine saoudienne qui est de plus en plus pointée comme étant à l’origine de l’extrémisme religieux et de la violence qu’il a engendrée.
En fouillant dans la riche historiographie islamique, le pseudo-théologien saoudien nous sort le nom d’un certain Abdurrahmân Ben Ablawahhâb Ben Rostom Al-Khâriji, un des exégètes du rite ibadite, qui aurait fondé sa propre confrérie au Xe siècle. D’après toujours ce prédicateur, cette confrérie ibadite était contestée partout dans les pays musulmans, y compris en Afrique du Nord, où toute une dynastie, les Rustumides (XIIIe et IXe siècles) adoptait officiellement le rite ibadite, et où existe toujours une communauté de confession ibadite, en Algérie et en Libye notamment.
Le prédicateur veut faire, en fait, d’une pierre deux coup : d’abord délester la doctrine salafiste saoudienne d’un fardeau qui devient de plus en plus insupportable, dans cette conjoncture où Riyad tente de redorer son blason et de vendre l’image d’un royaume en mutation et, en même temps, jeter l’anathème sur les adeptes d’un rite (ibadite) qui, non seulement ont prouvé leur pacifisme mais refusent partout, y compris à Oman où ils sont très présents, de se soumettre au diktat salafiste. En les désignant comme des «kharidjite», le prédicateur les associe implicitement à des apostats qu’il faudrait, par essence, excommunier. En un mot, il veut semer la fitna.
R. M.
Comment (30)