Un proche de Raffarin appelle Macron à privilégier le Maghreb dans ses relations
Par Houari Achouri – La «politique arabe» de la France doit être avant tout, voire exclusivement maghrébine, estime Hakim El-Karoui, ancien conseiller en stratégie et ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin à Matignon. Il est l’auteur du rapport de l’Institut Montaigne paru en août 2017 : «Nouveau monde arabe, nouvelle ‘‘politique arabe’’ pour la France». Il donne les «quatre raisons de faire du Maghreb une priorité de la politique étrangère française». Son principal argument est celui de la stabilité, qui ne pourrait être en quelque sorte que «commune» aux trois pays du Maghreb et à la France.
L’auteur du rapport de l’Institut Montaigne fait dépendre la stabilité du Maghreb de sa prospérité et donc de ses problèmes. Il conclut sa première argumentation par l’idée que «les problèmes du Maghreb, ce sont nos problèmes». Pour lui, la réciproque est aussi vraie : «A maints égards, les problèmes de la France, ce sont les problèmes du Maghreb.» C’est pour cela que, selon lui, le France devrait faire du Maghreb la priorité de ses relations extérieures.
Les facteurs qui fondent cette argumentation sont nombreux et de nature plutôt structurelle. Hakim El-Karoui n’a pas eu de difficultés à les trouver. Une simple observation de la réalité suffit : une histoire commune partagée, une communauté maghrébine ou ayant des liens avec le Maghreb forte de 6 millions de personnes établies en France, près d’un million de Français ou binationaux installés dans un des trois pays du Maghreb. Et surtout, le facteur linguistique et culturel, il rappelle qu’au Maghreb, «le français y est parlé quotidiennement par 28 millions de personnes, tandis que la langue arabe est la seconde langue la plus pratiquée au quotidien en France».
D’autres facteurs sont liés à l’actualité dominée par les activités terroristes en France. «Tous les actes terroristes commis en France ces dernières années ont été perpétrés par des personnes originaires du Maghreb», explique-t-il, en omettant de préciser qu’ils sont originaires dans la plupart des cas du Maroc. Il note, cependant, que c’est le Maroc et la Tunisie qui ont fourni des contingents importants de terroristes à Daech. Cela lui permet de présenter son deuxième argument, d’ordre sécuritaire : «La France et le Maghreb sont sous le coup d’une menace réelle qui doit être le socle de l’approfondissement de notre coopération sécuritaire.»
La coopération sécuritaire inclut «en amont» la coopération pour «lutter contre la diffusion de l’islam radical à travers le monde». Car, pour Hakim El-Karoui, les causes du terrorisme sont dans la diffusion de l’islam radical. Il appelle donc les autorités françaises à «une prise de position claire sur l’islam politique» et à procéder à «la refonte en France de l’administration du culte musulman».
Le troisième argument de Hakim El-Karoui est tiré de l’analyse des échanges économiques avec les trois pays du Maghreb, où «les parts de marché de la France diminuent d’année en année, passant de 35% au début des années 1990 à 15% au début des années 2010», lance-t-il comme un avertissement. Il propose que la France fasse au Maghreb ce que l’Allemagne a fait en Europe centrale et orientale.
Enfin, l’argument du «défi de contrôle des flux migratoires», qui est une préoccupation française et européenne de premier plan en ce moment. Sur ce point, l’exemple qu’il donne est celui de «l’accord de mars 2016 conclu entre l’Union européenne et la Turquie». Hakim El-Karoui suggère aux autorités françaises d’agir pour mettre en place un accord similaire UE-Maghreb «pour réguler les flux migratoires en provenance du Maghreb».
Notons que Hakim El-Karoui réduit la zone d’intérêt de la France en Méditerranée du Sud à l’espace maghrébin et non pas à toute l’Afrique du Nord qui est plus vaste, allant de la Mauritanie à l’Egypte, en passant par la Libye. L’Institut Montaigne est un think tank indépendant. Sa vocation est d’élaborer des propositions concrètes dans les domaines de l’action publique, de la cohésion sociale, de la compétitivité et des finances publiques.
H. A.
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