Essebsi blanchit les fonctionnaires véreux du régime de Benali
Par Sadek S. et agences – Le Parlement tunisien vient d’adopter un projet de loi défendu par le président Béji Caïd Essebsi, mais décrié par la société civile, car accusé de «blanchir les corrompus». Ce projet dit «de réconciliation dans le domaine administratif» a été approuvé mercredi soir par 117 élus à l’issue d’une journée de débats houleux au cours de laquelle les députés ont échangé accusations et invectives.
«Nous resterons fidèles au sang des martyrs (de la révolution de 2011) !», ont scandé les élus opposés à la législation lorsqu’elle a été adoptée, tandis que les autres applaudissaient et criaient : «Par notre âme, par notre sang nous nous sacrifions pour toi ô patrie !» Les élus de Nidaa Tounès, parti fondé par Caïd Essebsi, ont défendu, quant à eux, l’examen du projet de loi, tout comme plusieurs élus du parti islamiste Ennahdha, qui fait partie du gouvernement.
Devant le Parlement, des dizaines de personnes ont également manifesté contre le texte à l’appel du collectif «Manich Msamah» (Je ne pardonnerai pas, en arabe, ndlr). Au départ, le projet de loi prévoyait l’amnistie de certaines personnes – hommes d’affaires, anciens du régime du dictateur déchu Zine El-Abidine Benali et autres – poursuivies pour corruption, en échange du remboursement à l’Etat des sommes indûment gagnées et d’une pénalité financière. Ce qui avait suscité, en mai à Tunis, une mobilisation de contestation de plus de deux mille personnes.
Face au tollé, le texte a été revu pour ne concerner que les fonctionnaires accusés d’être impliqués dans des faits de corruption administrative et n’ayant pas touché de pots-de-vin, mais il suscite toujours une vive opposition. En le présentant à l’été 2015, le président Essebsi avait assuré qu’il s’agissait «d’améliorer le climat de l’investissement» dans un pays économiquement exsangue. D’après le texte adopté mercredi, la loi dit viser à «créer un climat propice à la libération de l’esprit d’initiative au sein de l’administration et à renforcer la confiance dans les institutions de l’Etat».
Lors d’une conférence de presse antérieure au vote, plusieurs députés de l’opposition ont mis en garde contre l’adoption du projet, qui porterait, selon eux, un coup fatal à la démocratie naissante. «C’est le début d’un processus qui va profondément porter atteinte à la révolution» qui a renversé la dictature, a ainsi prévenu un élu de la gauche tunisienne.
S. S. et agences
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