Noureddine Boukrouh : «Notre agonie est à la fois morale et psychologique»
Par Hani Abdi – L’ancien ministre et fondateur du PRA, Noureddine Boukrouh, dénonce la résignation des Algériens face à l’absurdité du système en place. Cet homme politique, qui déclare depuis quelques mois que le président Bouteflika, malade, ne gouverne plus, regrette ainsi que les Algériens, et plus particulièrement l’élite politique, acceptent cet état de fait. Pour lui, on assiste à une lente agonie d’un système politique qui risque d’emporter avec lui l’Algérie entière.
«Combien de temps devra durer notre agonie ? Cette lente agonie (du mot grec «combat») qu’est le 4e mandat ressemble à une quête éperdue de l’élixir de jouvence ; à la fuite insensée d’un homme devant la mort, une fuite aussi vaine que celle de Caïn devant Jéhovah, telle que rapportée par Victor Hugo dans La conscience ; à une interminable descente aux enfers ; aux derniers instants d’un roi-dieu, quand toute vie se fige dans l’attente de son ascension vers le monde des esprits», écrit-il dans une nouvelle contribution publiée sur le site français Oumma.
Noureddine Boukrouh est allé encore plus loin dans son analyse. Il estime ainsi que «notre agonie est d’abord morale ; nous en avons assez de le (le président Bouteflika) voir se trimbaler d’un pays à un autre, d’un hôpital à un autre, sous les quolibets de la presse internationale et sans être démonté par ce qui se dit ou s’écrit sur lui, non pas en sa qualité d’homme, mais parce qu’il est chef d’Etat, qu’il ne représente pas sa personne, mais nous tous». «Si le problème ne concernait que lui, que sa personne et sa famille, qui s’en mêlerait ? Qui s’en soucierait ? Or, il nous concerne tous, tous les jours, et nous en sommes mortifiés et humiliés, a-t-il soutenu, en se demandant : «Jusqu’à quand devrons-nous endurer ce jeu de cache-cache entre les médias et les enfantillages de son entourage ? Que doit-il arriver pour que notre déchéance rencontre enfin une limite ?»
Noureddine Boukrouh poursuit en affirmant que «notre agonie est ensuite psychologique : que présage un attachement aussi insensé au pouvoir ?» «Que nous prépare-t-il pour l’avenir ? La peur le dispute à l’angoisse chez tout Algérien conscient : la peur du pire, la peur de l’imprévu, l’angoisse face à un avenir économique incertain, l’angoisse à chacune de ses évacuations en urgence à l’étranger…», a-t-il souligné.
Cet homme politique, qui a lancé un appel aux Algériens pour un sursaut patriotique, relève que dans ce sillage des voix appellent d’ores et déjà à «un cinquième mandat pour lui en avril 2019, s’il sera encore de ce monde, ou du premier pour son frère…». Pour lui, «l’accepter serait signer la fin de l’Algérie !» Noureddine Boukrouh explique que la subordination de l’Etat à un homme déclinant ou en bonne santé est un contresens, une anomalie, une monstruosité qu’on doit proscrire du champ du possible si on veut édifier un ‘‘Etat qui survive aux évènements et aux hommes’’, comme promis en 1965 par Boumediene, promesse non tenue à ce jour». «Dans les temps modernes, dans les républiques, chez les peuples rationnels, ces choses-là, ces spectacles-là n’existent plus. Même au Japon, où l’empereur est présumé être d’essence divine, même dans la savane, même au fin fond de l’Amazonie, l’idolâtrie a disparu et aucun homme n’a plus le droit, nulle part, d’entraîner une nation dans sa tombe ou sa folie du pouvoir», a-t-il affirmé.
Noureddine Boukrouh, qui occupe ces dernières semaines la scène médiatique, ne désespère pas de voir son projet de «renouveau» susciter de l’intérêt chez les Algériens.
H. A.
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