Accusé d’être membre du GIA, Kamel Daoud dépose plainte contre Rachid Boudjedra
Par Hani Abdi – Le journaliste et écrivain Kamel Daoud ne pardonne pas comme Yasmina Khadra à Rachid Boudjedra. Il juge les propos de ce dernier trop graves pour les laisser passer. Dans une réponse rendue publique aujourd’hui, l’auteur de Meursault, contre-enquête annonce avoir déposé plainte contre l’écrivain Boudjedra et son éditeur Frantz-Fanon. Kamel Daoud estime qu’il a été diffamé.
«Il n’est pas facile en effet de réagir aux propos diffamatoires d’un écrivain qu’on admirait tant, une des figures aînées de la littérature algérienne, Rachid Boudjedra, et qui, aujourd’hui, semble s’enfoncer dans les compromissions, opter pour le scandale comme moyen d’expression – au lieu du talent. Nous sommes peu nombreux, écrivains algériens, écrivains du Maghreb, dans ce monde mal partagé. En arriver à cette situation est, quelque part, un échec pour tous», écrit d’emblée Kamel Daoud, pour lequel le dérapage de Boudjedra est intolérable.
«Les habitudes virulentes de Rachid Boudjedra sont connues de tous, et nombreux ont été la cible des humeurs de l’écrivain. Mais cette fois, il s’agit d’une diffamation grave, d’une insulte à ma personne, au père et au fils que je suis, à la mémoire blessée de ma génération : lire dans un ouvrage publié que j’ai été ‘‘très jeune membre du GIA !’’, donc membre d’un groupe d’assassins qui a marqué au sang notre souvenir et nos corps, m’est intolérable», s’offusque Kamel Daoud, pour lequel on ne s’amuse pas à «régler ses rancunes» avec un tel sigle, «parce qu’il s’agit d’un groupe d’assassins, parce que cela nous a coûté une décennie de massacres, parce que beaucoup ont été victimes de ces meurtriers».
Kamel Daoud reconnaît que déposer une plainte contre un écrivain est difficile. Mais, estime-t-il, cela est inacceptable. «Pas uniquement pour des raisons personnelles, mais aussi par égard pour la mémoire déchirée de notre pays. Il faut lutter contre cet effondrement moral, celui du sens de l’éthique dont cette affaire n’est qu’un signe», précise-t-il, affirmant que durant les années du GIA, il était journaliste, «exerçant ce métier qui a payé de ses martyrs sa vocation». «Je n’avais pas un couteau, mais un stylo», clame-t-il, assurant avoir parcouru ce sentier jusqu’à son impasse et qu’il sait «voir la mauvaise foi et mieux analyser les fascinations morbides et les hypocrisies».
Kamel Daoud a été accusé par Rachid Boudjedra dans son dernier livre Les contrebandiers de l’Histoire d’avoir été «très jeune membre du GIA». Ce même écrivain subversif lui reprochait d’avoir fait d’Albert Camus «un grand ami des Arabes» et «plus algérien que n’importe quel Algérien». Si Rachid Boudjedra n’a épargné aucun écrivain, Kamel Daoud est le seul à recourir à la justice pour exiger excuses et réparation.
H. A.
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