Négociations UE-Maroc : le double langage de la Commission européenne démasqué
Le rapport de l’eurodéputée française, Mme Patricia Lalonde, devant la Commission commerce international (INTA) du Parlement européen à Bruxelles, le 12 octobre 2017, a mis a nu le double langage de la Commission européenne dans le processus de négociation en cours entre l’Union européenne et le Maroc sur l’adaptation des accords commerciaux entre les deux parties, enclenché suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 21 décembre 2016.
En effet, tout en feignant respecter dans ses exposés devant le Parlement européen la terminologie onusienne et le droit international, en parlant du «peuple du Sahara Occidental», la Commission agit dans l’ombre et en catimini, sous la pression du Maroc et de ses lobbyistes au sein de la Commission européenne pour contourner l’arrêt de la CJUE, en mettant en avant le concept de «population locale», qui renvoie en fait aux colons marocains, en vue de passer outre le consentement du peuple du territoire du Sahara Occidental occupé.
En effet, Mme Lalonde, qui est le «Standing Rapporteur» du groupe de la Commission INTA en charge du suivi des accords et négociations de l’UE avec la région Maghreb (Méditerranée), a indiqué que ce groupe de suivi s’est réuni le 25 septembre 2017 afin d’évaluer les progrès réalisés lors du second round des négociations entre la Commission européenne et les autorités marocaines qui se sont tenues à la mi-juillet, rappelant au passage qu’il «s’agit de modifier l’accord d’association avec le Maroc à la suite de l’arrêt rendu par la CJUE le 21 décembre 2016 dans l’affaire qui a opposé le Conseil de l’Union européenne au Front Polisario».
Mme Lalonde rapporte que lors de cette réunion d’évaluation, la Commission européenne, représentée dans ces négociations par la DG Taxud et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), a estimé que l’accord recherché comporte trois composantes : la première, relève de la nécessité de se mettre d’accord sur le texte et sur une formulation commune pour modifier l’Accord et cela «prendrait la forme d’un échange de lettres», la deuxième concerne l’évaluation des bénéfices de cet Accord pour «le peuple du Sahara Occidental» et la troisième est d’obtenir son consentement par rapport à ces mesures.
Lors de cette même réunion, ajoute Mme Lalonde, le SEAE a rappelé qu’il s’agissait «d’un sujet sensible pour le Maroc» et que «la renégociation de l’Accord ne devrait en aucun cas porter préjudice au processus de paix qui se négocie dans le cadre de l’ONU». La Commission européenne a indiqué de son côté qu’elle a surtout «progressé sur le premier volet, sur lequel (elle) compte conclure le plutôt possible» et que «d’après leurs sources, le commerce avec ce territoire était relativement limité mais (qu’ils ont) besoin d’avoir des informations plus précises sur le flux».
Concernant le flux commercial en provenance du Sahara Occidental, il convient de rappeler que la commissaire européenne en charge du Commerce, Mme Cecilia Malmström, a indiqué dans une correspondance adressée récemment au président de la Commission commerce international (INTA) du Parlement européen, qui sollicitait des données statistiques sur les échanges de l’UE avec le Sahara Occidental, que la valeur des produits transformés de la pêche sont estimés à 122 millions d’euros pour 2016, et que le reste des produits couverts par le marché équivaudrait à 7 000 euros.
Réagissant à ces chiffres communiqués par la commissaire européenne, l’ONG Western Sahara Resource Watch a indiqué que l’estimation du flux commercial du Sahara Occidental vers l’Union européenne à «seulement 7 000 €» pour toute l’année de 2016 «défie l’entendement» et d’ajouter par la voix de Davide Contini qu’il «est évident que la Commission n’a pas la moindre idée du volume commercial». En effet, La haute représentante et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, a indiqué, en septembre dernier, en réponse à une question parlementaire qu’il était difficile pour l’Union européenne de quantifier avec précision, quelle est la part du commerce en provenance du Sahara Occidental.
Ces tergiversations de la Commission européenne interviennent à un moment où le Maroc vient d’annoncer par la voix de son ministre de l’Agriculture la mise en place d’une nouvelle zone agricole de 5 000 hectares dans la région occupée de Dakhla, et ce au mépris du droit international et de l’arrêt de la CJUE qui avait statué que le Sahara Occidental est un territoire «séparé et distinct» du Maroc.
R. I.
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