Quand Ouyahia flatte les binationaux après les avoir «excommuniés»
Par Houari Achouri – Le RND corrige le tir concernant les binationaux qui vivent en France : «Ils sont des compatriotes et une partie intégrante du peuple algérien.» Dans son communiqué publié à l’occasion de la commémoration des massacres du 17 Octobre 1961 à Paris, le parti d’Ahmed Ouyahia va jusqu’à exprimer le souhait de voir les Algériens qui ont la nationalité française et qui sont établis en France constituer dans ce pays le lobby économique et politique de l’Algérie. C’est un revirement complet que le RND opère à l’endroit des binationaux, qu’il traite maintenant avec la plus grande sollicitude, sans, toutefois, faire de distinction dans cette catégorie d’Algériens, alors qu’elle est traversée par des différences non négligeables.
Pourtant, Ouyahia a eu à montrer que, pour lui, il y a les bons et les mauvais binationaux. Il avait distingué, une fois, ceux qu’il avait décrits comme détenteurs du passeport rouge et du passeport vert, qui font dans l’argent sale et cherchent à allumer la mèche en Algérie pour partir, ensuite, vivre «là-bas». Il a souligné que parmi les binationaux, il y a des Algériens installés ici (en Algérie), qui disposent de passeports d’autres nationalités et qui s’enrichissent illicitement avant de transférer leur argent à l’étranger (voir article AP du 19 novembre 2016). Il voulait démentir une accusation portée contre les binationaux, pris globalement, de vouloir déstabiliser le pays, qui lui avait été injustement imputée.
Il y a une partie «saine» chez les binationaux, et c’est donc, assurément, vers elle qu’Ouyahia veut se rattraper, connaissant le poids que les émigrés – puisqu’il s’agit d’eux – ont toujours eu dans la vie politique en Algérie. Il veut faire oublier que, dès l’introduction du fameux article 51 dans le projet de révision de la Constitution, et face à la levée de boucliers suscitée par l’exclusion des Algériens qui ont également la nationalité française (les autres binationaux ne sont pas en nombre significatif) de certains postes clés, le secrétaire général du RND et à l’époque directeur de cabinet à la Présidence de la République, avait fait des déclarations plutôt musclées pour défendre la restriction faite aux binationaux pour l’accès aux hautes fonctions en Algérie. Ouyahia est même considéré, à tort ou à raison, comme le concepteur de cette attitude du pouvoir à l’égard des binationaux qui sont «entre l’Algérie et la France».
Cela ne l’a pas empêché d’appeler ces mêmes binationaux à mettre la main à la poche pour apporter leur aide financière au pays. Il avait alors fait allusion aux émigrés, les «anciens», qui avaient cotisé pour soutenir la lutte de libération nationale, sous-entendant par là que c’est grâce à leur argent que la lutte armée a pu être financée.
En fait, Ouyahia, Premier ministre, sait que, dans le contexte actuel, la communauté nationale à l’étranger, comme on l’appelle, et qui est maintenant constituée pour une grande part de binationaux, peut contribuer efficacement à la sortie de la crise financière que traverse le pays depuis que les prix du pétrole ont commencé à chuter en juillet 2014. Ce n’est pas pour rien que le plan d’action de son gouvernement prévoit le renforcement des liens avec les binationaux établis à l’étranger.
H. A.
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