Recomposition géopolitique
Par Sadek Sahraoui – Au fond, la France doit regretter amèrement d’avoir renversé Mouammar Kadhafi. Depuis la disparition de la Jamahiriya libyenne, les Français éprouvent toutes les peines du monde à garder une maîtrise sécuritaire sur l’Afrique de l’Ouest, leur pré-carré africain.
Le vide sécuritaire créé par le démantèlement méthodique de l’Etat libyen a même failli, à maintes reprises, emporter ses alliés régionaux. Six années après l’assassinat de Mouammar Kadhafi, aucun des pays du Sahel n’est stable. Exit la Mauritanie et le Sénégal. Excepté ces deux-là, l’Afrique francophone risque à n’importe quel moment de s’effondrer comme un château de cartes. Même le Mali, qui fait pourtant l’objet de toutes les attentions internationales, éprouve toutes les peines du monde à se relever.
La France déprime à l’idée même qu’elle puisse perdre un jour son royaume africain. Son désarroi transparaît d’ailleurs clairement à travers les déclarations de son ambassadeur à l’ONU, François Delattre, qui était justement cette semaine à Bamako pour presser les différents protagonistes de la crise malienne d’appliquer sans plus tarder les accords de paix d’Alger et supplier la communauté internationale de soutenir la force du G5 Sahel.
En cherchant à élargir sa zone d’influence à la Libye, la France a scié, en quelque sorte, la branche sur laquelle elle était assise. Elle a créé un chaos qui risque tout bonnement de lui faire perdre les pays qui lui permettaient de faire son beurre en Afrique. Outre, en effet, les défis sécuritaires que pose la crise libyenne, la France doit aussi faire face aujourd’hui à une farouche concurrence dans la région. Certaines puissances n’attendent que son affaiblissement pour entrer en scène et imposer un nouveau découpage de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale.
La crise qui oppose actuellement francophones et anglophones au Cameroun est d’ailleurs peut-être à mettre sur le compte des rivalités entre grandes puissances ou des rivalités entre groupes industriels concurrents. En s’attaquant à la Libye, la France n’a fait, en réalité, qu’accélérer la recomposition de la carte géopolitique de l’Afrique. Une recomposition qui s’accompagne obligatoirement d’un reclassement des puissances. Dans ce nouveau contexte, il n’est plus certains que la France soit capable de jouer les premiers rôles.
S. S.
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