Espagne : la Catalogne se déclare indépendante
Par Sadek Sahraoui – Le Parlement catalan a déclaré, ce vendredi, l’indépendance. Dans les rues de Barcelone, des centaines de personnes se sont rassemblées pour célébrer cette déclaration d’indépendance. En quelques minutes, le destin d’une région historiquement tiraillée entre ses volontés d’indépendance et ses racines espagnoles a basculé. Pourtant, la déclaration du Parlement catalan revêt des enjeux politiques et géopolitiques complexes et augure d’un bras de fer avec Madrid duquel il n’y aura qu’un seul vainqueur.
La résolution adoptée par le Parlement catalan constitue «la République catalane, comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social». En principe, la situation est claire : la Catalogne se proclame comme un Etat à part entière au même titre que l’Espagne ou la France. Seulement, aucun Etat européen ne semble prêt à reconnaître la Catalogne comme entité indépendante. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a indiqué que cette déclaration ne «change rien» pour l’Union européenne, et Washington a affiché son soutien à Madrid.
Toutefois, cette résolution «n’a rien de symbolique». «La feuille de route des autorités catalanes est assez claire. Ils se sont inspirés du modèle slovène – la Slovénie est devenue indépendante en 1991. Madrid n’a pas pris la mesure de l’ampleur de la grogne en Catalogne et ils ont été pris au piège», analyse dans un média international Barbara Loyer, directrice de l’Institut français de géopolitique à Paris 8. Selon elle, les dirigeants favorables à l’indépendance n’ont pas agi à l’aveugle et ont étudié depuis «plusieurs années les modalités que devrait prendre la République autonome de Catalogne. En cela, ce n’est absolument pas symbolique mais réel».
Quelques minutes après la déclaration d’indépendance du Parlement catalan, le Sénat espagnol a voté en faveur de la mise en œuvre de l’article 155 de la Constitution, qui permet de mettre sous tutelle la région, un événement également sans précédent en Espagne depuis que la démocratie a été rétablie en 1977.
Pour Barbara Loyer, «Madrid et Barcelone ont opté, depuis le début de la crise, pour l’option la plus radicale». «Jusqu’en 2010, une négociation avec la Catalogne était possible pour lui accorder plus d’autonomie, mais le gouvernement espagnol n’a pas répondu aux attentes des Catalans et leurs velléités d’indépendance se sont accrues. Aujourd’hui, le risque est de ne pas pouvoir revenir en arrière», analyse la chercheuse.
Après avoir destitué le président de la région, Carles Puigdemont, et ses conseillers, le gouvernement espagnol va tenter par tous les moyens de reprendre la main dans ce dossier. Seulement, la tâche sera difficile tant une frange de la population catalane se satisfait de cette déclaration d’indépendance.
S. S.
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