Brésil : le pétrole vendu aux enchères aux multinationales
Par Smaïl Hadj Ali – Il y a une année était votée par le Parlement brésilien, majoritairement compradore, ultra réactionnaire et ultra libéral, la loi 4567/2016 modifiant le rôle de la Petrobras, l’équivalent de la Sonatrach, dans l’exploration et l’exploitation des gisements pétroliers pré-salifères. Cette loi mettait ainsi fin au rôle de la puissance publique en tant que seul opérateur, et ouvrait le marché aux multinationales pour participer à la curée des richesses nationales, en l’occurrence, ici, les champs de pétrole pré-salifères.
Vendredi 27 octobre 2017, soit une année après le vote de cette loi que les progressistes brésiliens vivent comme une loi de trahison nationale, le gouvernement Temer, issu du golpe parlementaire qui destitua Dilma Rousseff, à la fin du mois d’août 2016, a mis aux enchères les premiers lots de puits de pétrole pré-salifère. Cette vente s’annonce comme le prélude à la liquidation, au bradage de gisements qui s’étendent sur une superficie de 149 000 km2, au profit des multinationales pétrolières.
La mise aux enchères fut suspendue dans un premier temps par un juge fédéral de la ville de Manaus, capitale de l’Etat de l’Amazonas, le jeudi 26 octobre 2017. Ce juge avait considéré que l’offre initiale du gouvernement était trop faible et qu’elle constituait une immense perte pour le patrimoine public. Mais très vite, le vendredi dans la matinée, cette décision fut annulée par le procureur général de la République fédérative du Brésil, autorisant ainsi la vente aux enchères du bassin pétrolifère pré-salifère de la région de Santos, dans l’Etat de Sao Paulo
C’est un consortium composé de deux multinationales, la Shell anglo-néerlandaise et la française Total, qui a acquis ce bassin pétrolifère. Selon l’agence habilitée par le gouvernement à mettre aux enchères les gigantesques gisements pétrolifères du Brésil, ce consortium a été le seul à se porter acquéreur du bassin de Santos.
Fixée au prix de 7,5 milliards de reais (2,4 milliards d’euros) par le gouvernement de Temer, la vente aux enchères fut adjugée au prix de 6,15 milliards de reais (1,6 milliard d’euros), alors que la valeur minimale de ce bassin avait été estimée à 15 milliards de reais (4 milliards d’euros). Indépendamment de cet abaissement de l’Etat et de ce renoncement à la souveraineté nationale, le prix d’achat est une gracieuseté faite à ces multinationales. A quoi s’ajoutent l’exonération fiscale totale et le droit d’employer une main-d’œuvre étrangère dans l’exploitation des gisements au détriment du savoir-faire des ouvriers, des techniciens et des ingénieurs brésiliens de la Petrobras.
Pour les progressistes et patriotes brésiliens, la livraison du pétrole pré-salifère par une caste affairiste corrompue aux multinationales, participe de la liquidation de la souveraineté nationale et doit être considérée comme un crime de plus d’un gouvernement jugé illégitime.
A cet égard, l’ancien directeur du département exploration et production de la Petrobras, l’ingénieur Guilherme Estrella, a déclaré : «Cette vente aux enchères des richesses nationales était un des objectifs centraux du golpe qui destitua Dilma Rousseff. Le gouvernement de Temer détruit notre futur, car l’énergie est une souveraineté nationale».
Pour le père du pétrole pré-salifère – c’est ainsi qu’on le nomme, car il fut à l’origine de la découverte des gisements –, «ce gouvernement pourri, malodorant et corrompu est sourd aux manifestations de la société. L’actuel président-usurpateur n’a-t-il pas dit à propos des manifestants [que] « les chiens aboient et la caravane passe ? » C’est à nous, peuple brésilien, de descendre dans la rue et d’en finir avec ce gouvernement traître !»
S. H.-A.
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