Une contribution de Nour-Eddine Boukrouh – La leçon de Béjaïa(*)
Par Nour-Eddine Boukrouh – La «marche de la dignité» qui s’est déroulée dimanche 30 octobre à Béjaïa pour dénoncer la politique de deux poids deux mesures en matière d’investissement privé est une manifestation de la conscience civique montrant ce que pourrait être l’Algérie si elle était partout animée de l’esprit de citoyenneté.
Elle aurait été une nation au lieu d’une juxtaposition de douars indifférents au sort les uns des autres ; un Etat de droit au lieu d’un pouvoir soumis aux intérêts d’un clan ; une administration impartiale au lieu d’un régime de faveurs pour les uns et une course d’obstacles pour les autres.
La notion de citoyenneté recouvre de multiples qualités indissociables que le pouvoir a réussi à séparer et à opposer les unes aux autres : celle de travailleur, de syndicaliste, d’homme d’affaires, d’étudiant, de militant politique, d’élu, d’intellectuel, d’électeur, etc. Les manifestations et les marches ont toujours été compartimentées, mettant un grand soin à isoler les luttes syndicales et sociales des revendications politiques et citoyennes.
Les Algériens ne sont autorisés à revendiquer que ce que le pouvoir considère comme «yadjouz» (licite, ndlr). Une fois encore, il va déployer l’art de diviser pour régner en faisant croire à une agitation limitée à une région, à l’instigation d’un homme d’affaires au service d’ambitions politiques «inavouées» ou de «l’étranger». Cette vieille recette machiavélique est bien usée, et il est temps de lui opposer un réflexe de solidarité nationale. Pour se tirer d’affaire, le pouvoir donne à chaque fois à choisir entre lui et l’indépendantisme supposé de la Kabylie, comme il l’a fait avec l’islamisme hier.
Persister à se méfier de ce qui vient de la Kabylie et continuer à voir dans chacune de ses convulsions non pas une indignation légitime et courageuse devant l’injustice et les abus de pouvoir mais un complot contre l’unité nationale sont un signe d’aveuglement et d’infantilisme. Penser globalement implique d’agir localement, autant que les petits ruisseaux font les grands fleuves et les grains de sable les grands déserts.
Il y a danger à laisser une région se débattre toute seule en pensant que sa cause est locale. C’est la meilleure manière de la jeter dans les bras du désespoir. Il vaut mieux s’unir pour garder la Kabylie dans une Algérie démocratique car ce qui est vérité en-deçà de Yemma Gouraya n’est pas mensonge au-delà. Les libertés et la dignité des Algériens sont partout bafouées et leurs intérêts piétinés par un pouvoir sans vision, ni boussole.
N. B.
(*) Le titre est de la rédaction.
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